L'arc de Lune

Par Nycanor Elk le 24/6/2002 à 15:33:07 (#1703924)

- Dzandreth..
- Dzandreth?
- C'est celà même.

Le jeune archer se pencha sur les pages jaunies par le temps. Il effleura du doigt l'illustration au centre de la page. Elle représentait un arc aux formes tourmentées et harmonieuses. Son doigt glissa sur les inscriptions tout autour. Il ne connaissait rien de la langue elfe et était incapable de traduire ce charabia mais chaque mot, chaque courbe sinueuse de ces lettres antiques semblait regorger de sens caché et de signification ésotériques. Sous la pression de sa main, les pages craquèrent et un coin s'effrita. Le jeune archer retira prestement sa main.

Le geste n'échappa pas au regard de son maître.

- Tu crains de l'abimer?
- C'est que l'ouvrage est ancien...
- Ce n'est qu'une copie. Elle a été réalisée par mon maître voilà fort longtemps.

Il caressa la reliure en cuir noir avec tendresse.

- Il a pour moi une valeur plus grande que l'original, sais-tu?
- Je m'en doute maître. Votre maître à vous l'a t'il trouvé cet arc?
- J'en doute. Il n'est jamais revenu de son dernier voyage, celui qui devait consacrer ses recherches. Qu'il l'ai trouvé ou pas, c'est un secret qu'il a emporté dans sa tombe.
- Et que raconte l'ouvrage?

Valmon gagna son siège, sentant que la discussion allait durer plus longtemps que prévu. Il posa son arc contre l'accoudoir et se laissa aller en arrière. Le grincemement du siège emplit la maisonnée.

- Ni toi, ni moi, ni même nos parents n'étaient nés lorsque cet arc fut sculpté, vois-tu. Il était destiné à la plus belle de toutes les archères elfes, Dzandreth, par son futur époux. Ce dernier avait parcourut toutes les cours elfes de l'époque pour trouver le meilleur artisan de son peuple. Il avait quêté pendant des années pour lui rapporter le bois le plus solide et le plus vif et les métaux les plus purs.
L'artisan s'appelait Elelderin. Il était jeune malgré sa réputation d'excellence et la cour d'Albion s'émerveillait de sa pratique et de ses oeuvres. Mais jamais encore il n'avait fabriqué d'arme.
Non pas que personne n'ai jamais songé à lui demander: il s'y était toujours refusé.
Jusqu'à ce que ce prince elfe vienne lui demander cet arc. Il avait refusé dans un premier temps puis le prince elfe lui avait montré le portrait de sa future épouse.
L'artiste était resté sans voix devant la chevelure magnifique, les yeux diamants et la peau de nacre. Sans hésiter il avait accepté.

Il était resté des nuits entières dans un état de transe, devant le portrait à donner forme à cet arc. Il avait suivi la forme du visage si doux, il avait tissé la corde en cheveux de vierges et d'or fin.

Personne n'avait pu l'approcher ou contempler son oeuvre. Au dehos, le prince elfe attendait impatiemment son présent et toute la cour, attirée par la rumeur était venue observer la scène.
Des semaines passèrent sans que l'artisan ne se montre. Des mois entiers et puis finalement, le prince craqua et poussa la porte de l'atelier. L'artisan était allongé sur son établi, les yeux fixés sur le portrait de la princesse mais il n'y avait plus sur le tableau aucun visage ni aucune couleur. Il semblait vierge de tout coup de pinceau. Contre son coeur était posé la hampe d'un arc de bois blanc et de nacre, à la finesse inégalée.

Prenant l'artisan à bras le corps, le prince sortit pour le confier à la foule. L'elfe était mort d'épuisement. Il retourna dans l'atelier et s'empara de l'arc. A son contact, tous ses sens frémirent. La poignée était douce et sûre, l'arme était légère mais la caresse du bois contre sa peau éveillait en lui des sensations de bien être encore insoupçonnées. Il tenait enfin là le cadeau pour sa promise.

Sautant sur son cheval, il fendit la plaine pour regagner sa cité. Il apperçut au loin des fumées blanches qui montaient au ciel et accéléra le galop de sa monture.
Une fois encore, le maudit peuple nain avait attaqué sa cité pour des questions de territoire, les montagnes étant proches. Il traversa un champ de bataille envahi par les corbeaux et leur envol annonça son retour à la cité.
Le petit peuple était déjà lancé à l'assaut des muraille, les sapant par le bas et créant d'immenses brèches par où s'engouffraient leurs féroces combattants.

Apercevant l'un des généraux de cette offensive, le prince attrapa l'arc fabuleux et encocha une flèche. Elle fendit l'air dans une trajectoire parfaite et terrassa l'adversaire dans un coup magnifique. Le prince s'étonna d'une telle excellence en archerie mais pensa qu'avec une telle arme entre ses mains, cela pouvait être possible.

Il entra sa cité, tuant de ses flèches tout ce qu'il voyait se dresser devant lui. Il arriva ainsi aux portes de son palais et ses gardes firent front derrière lui. En hâte, il monta jusqu'à la chambre de sa bien aimée. Elle était allongée sur son lit, livide et immobile, parée des atours de deuil. Cherchant ses mots, sa mère lui expliqua que voilà quelques jours, la belle était morte dans la nuit, sans un cri, sans explication.

Saisi par l'émotion, le prince laissa tomber l'arc de ses mains et le choc mélodieux du bois contre le sol attira son attention. Le bois était rose et pâle comme la peau de sa bien aimée. Les enclises avaient la rougeur de ses lèvres et les diamants étaient des yeux...ses yeux.

Tombant à genoux devant l'arc, il éclata en sanglots devant la plus belle oeuvre que l'artiste ai jamais fait.


Le jeune archer retint ses larmes. Il regarda son maître se lever et fermer le livre en silence.

- C'était une belle histoire Maître.
- Toutes les belles histoires sont tristes, mon élève.

Le livre retourna où demeurent tous les livres: dans la mémoire des hommes.

....

Par Nienna Fayree le 24/6/2002 à 18:49:23 (#1704940)

Joli...tres joli..vraiment tres joli :lit: :merci:

Par Francis Fukuyama le 26/6/2002 à 14:52:22 (#1714385)

Assis tout près d'une maison, Francis tressait pour son plaisir un petit panier de joncs. Son attention fut attirée par une conversation provenant d'une petite fenêtre entrouverte. Captivé par l'histoire étrange qui lui était exposée malgré lui, il décida d'écouter.

Lorsque le silence revint, Francis se sentit submergé par la beauté du récit qu'il venait d'entendre et son cœur se remplit de mélancolie…

Par Kathlen Elk le 28/6/2002 à 6:34:20 (#1722999)

Endormie auprès de ses frères et soeurs, Kathlen rêva d'une de ces belles histoire que contait leur mère parfois...

Par Nycanor Elk le 28/6/2002 à 13:49:21 (#1724508)

Diedrick regarda autour de lui. Aucune issue de secours dans cette crypte abandonnée. Sa fuite l'avait conduit dans des recoins inconnus d'Arakas et les orcs martelaient maintenant à coups de beliers la porte qu'il avait barricadé.

Les craquements du bois résonnaient sinistrement dans les catacombes et de sourds mugissements répondaient, incitant le jeune archer à ne pas s'enfoncer plus loin. Il s'adossa à une colone pour réfléchir un instant.

Se sauver au plus vite.....par tous les moyens possibles....apporter le message à la baronne..

Une main cadavérique contourna soudain le pilier et lui agrippa l'épaule. Hurlant sa peur, Diedrick fit volte-face, perçant les ténèbres du regard. Emergeant avec lenteur de la colone, un cadavre embaumé couvert de bandelettes moisies se mit à tituber vers lui. Il encocha une flèche et la figea dans le bras en décomposition. La momie poussa un gémissement glauque mais ne s'arrêta pas.

Diedrick recula encore vers le fond de la salle, encochant une seconde flèche. Il n'eut pas le temps de la tirer. Il heurta de plein fouet une masse compacte de cadavres qui s'étaient rassemblée en silence derrière lui. Des dizaines de main l'agrippèrent, ne lui laissant aucune chance.
Il roula au sol, sentit les morsures déchirer sa chair. Dans un fracas assourdissant, les portes de la crypte cédèrent, laissant place à une déferlante d'orcs et de gobelins.

Dans la fureur du combat qui suivit, Diedrick parvint à s'arracher aux goules et aux zombies qui combattaient maintenant les peaux-vertes et gagna un coin sombre où il se dissimula. Son armure faisait peine à voir et son arc avait été brisé dans la mêlée. Il n'avait plus qu'à attendre que le vainqueur ne vienne l'achever.

Son pied heurta alors, recouvert par la poussière, la hampe d'un arc oublié ici. Il le dégagea des décombres et examina le délicat travail de l'arme. Un instant, il oublia la bataille autour de lui tant la merveille qu'il venait de découvrir accaparait son attention.

C'était un arc elfe à n'en pas douter. Les hautes instances de son clergé en avait des semblables qu'ils utilisaient avec parcimonie. Il le trouva léger, équilibré et d'une puissance sans pareille. Un regain de courage s'empara de lui et il bondit hors de son couvert. L'arc inonda la pièce d'une lumière irréelle.
les flèches semblaient quitter toutes seules sa main pour aller se figer dans les crânes et les coeurs de ses ennemis. Une rage sans pareille l'aveuglait. Il ne voyait même plus ses gestes, ses cibles. L'arc semblait agir de lui même...

Quand sa fureur se calma, il ne restait rien autour de lui qui fut debout et vivant. Il sortit de la crypte, épuisé mais victorieux.

Il gagna Lighthaven dans la nuit. Les hordes orcs faisaient déjà le siège de la cité lorsqu'il passa les défenses extérieures. Il gagna une troupe qui patrouillait hors de l'enceinte et ensemble, ils retrouvèrent l'abri des remparts de fortune. Le capitaine le regarda droit dans les yeux et mit un genoux en terre.

- Mon baron....j'ai quelque chose à vous annoncer

Driedrick le regarda interloqué

- Et cela ne peut attendre que nous ayons décrypté ces plans Capitaine?
- Non mon baron..
- Et bien je t'écoute alors.
- Madame la Baronne est morte dans sa couche voilà quelques heures......nous ne savons toujours pas pourquoi..

Le Baron Diedrick s'effondra au sol, terrassé par la nouvelle. Ses larmes roulèrent sur la hampe de l'arc magnifique dont l'éclat avait soudain redoublé. Il contempla un instant la douceur de son bois, le rouge de ses enclises et les diamants si brillants et sut alors qu'il n'aurait jamais plus jalouse maîtresse que celle qui lui avait sauvé la vie ce soir là.

Par Nycanor Elk le 1/7/2002 à 17:44:15 (#1740278)

- Chemet, Chemet, viens voir!

Le jeune combattant s'avança vers son compagnon. Autour d'eux, la foule chamarrée de Lighthaven se bousculait dans tous les sens, de puissants mages déambulant, entourés de crève-la-faim en quête d'un sortilège, d'or ou même de reconnaissance.
Au loin, deux impérieux guerriers discutaient des affaires du royaume, indifférents à ceux qui lorgnaient leur armure avec convoitise.

Mais les deux compères avaient l'oeil braqué sur l'individu en robe noire qui entrait dans l'auberge sereinement. De l'ouverture de son sac dépassait une dais de velour noir qui laissait deviner la silhouette d'un arc imposant.

- Il va le vendre tu crois?
- Pour sur, c'est Alsibyad, le iagonite.

Les deux compères entrèrent à leur tour dans la masure. pas une chaise, pas une table, pas un centimètre de parquet n'était réellement disponible. Il leur fallut se faufiler entre tous les buveurs. Ils contournèrent la table de la garde royale, saisissant au passage quelques bourses et se rapporchèrent du marchand.
Alsibyad n'était pas le genre de marchand gras et bonhomme. C'était un aventurier à la réputation féroce et tenter une arnaque contre lui était chose risquée pour tout homme de bon sens. Hélas pour nos compères, le bon sens n'était pas fourni avec les bourses des gardes.

Le marchand iagonite gagna la table d'un étranger aucquel il sera la main. Ils s'assirent et burent une biere en discutant peu. le sac du Iagonite semblait d'un accès tellement facile que Chemet, pris d'une hardiesse soudaine, s'avança et attrapa l'arc et le dais noir puis disparut dans la foule. La rapidité d'action avait laissé l'autre voleur sans réaction.....il retrouvait à peine son souffle que Chemet sortait déjà de la taverne d'un pas pressé.

Les voleurs n'y croyaient même pas. Ils avaient réussis le coup d'éclat de leur vie. Ils se regardaient en souriant, n'osant même pas enlever le dais noir.

Une flèche se figea dans la gorge de Chemet....

Une autre empala son compère contre le mur, traversant l'épaule....

Une dernière lui creva l'oeil, le cerveau et le crane...


L'étranger descendit du toit et attrapa l'arc. Il semblait heureux de son affaire, occuper le puissant Alsybiad pendant que deux pantins lui dérobaient son bien et le récupérer ensuite.
Il dégagea l'arc de son écrin. Les enclises rouges sang, le bois tendre et incroyablement solide des hauts elfes et les deux diamants, qui tels des yeux, illuminaient la ruelle.

Enfin, il l'avait. L'arc de Lune de la princesse Dzandreth. Le légendaire arc qui rendait le plus humble aussi puissant que le meilleur archer du Roy. Il mania un instant l'oeuvre d'art avant de la ranger à nouveau dans son étui.
Il ne lui restait plus qu'à sortir de la ville pour regagner discrètement l'île maudite.

Par Nycanor Elk le 1/7/2002 à 21:20:22 (#1741341)

Il posa l'arc sur l'autel de Sélène. La Vestale lui fit signe de s'écarter d'un geste de la main. Elle s'avança avec précaution de l'arme et leva lentement un marteau noir incrusté de jade.

Le sélénite regarda le marteau, puis l'arc. Et le marteau à nouveau. Une question lui échappa.

- Pourquoi?

- Parce qu'il est maléfique, mon fils. Parce qu'il vit. Parce qu'il veut.

- Il est si beau....

- Il n'a que trop fait souffrir. Son temps est passé.

Elle releva l'arme une fois encore et le coeur du sélénite se crispa. Elle le rabattit mais le sélénite interposa sa main. Ses os craquèrent sous le choc et il hurla de douleur.

Sa main ensanglantée retira l'arc de sur l'autel et malgré l'amas de chair rougie qui lui servait de bras, il fit virevolter l'arc et décocha une flèche droit dans le coeur de sa pretresse.

..plus puissant que le meilleur archer du Roy.....

Le sélénite quitta le temple à la faveur de la lune, emportant avec lui son bien le plus précieux, son joyau, son amour.....ses lèvres carmin, sa peau de nacre et ses yeux..ah, ses yeux....deux diamants.

Par Nycanor Elk le 1/7/2002 à 21:22:08 (#1741354)

tout ça pour raconter l'histoire d'un arc des HE parmis tant d'autres parce que parfois c'est bien de le faire.....libre à qui veut de prendre ceci pour argent comptant.


edit pour cause de Elistrae a raison

Par Elistrae le 1/7/2002 à 21:24:41 (#1741370)

Le problème est qu'il y a plusieurs arc des hauts elfes alors que par exemple des arcs comme le Vibrevent sont uniques et donc beaucoup plus libres d'imagination :D

enfin c'est mon avis ... sinon ton histoire est trés bien ...