Paisible soirée

Par Graetel le 6/6/2002 à 23:35:13 (#1605749)

*Paisiblement assise sur le lit de paille de la maisonnette, emplie d'un fumet de civet aux champignons, reste de leur diner, Graetel contemple le visage encore enfantin de son frère tant aimé qui s'envole, angélique, vers les cimes des rêves d'or. Le livre, dont le poids repose sur ses jambes mollement étendues, exhale un parfum humide et poussiéreux. Elle caresse les ciselures qui entrelacent le nom de Jack Vance, sur l'épaisse couverture de cuir puis, savourant le craquement qui émane en l'ouvrant, lit le titre enluminé : Conte de la Perle Verte...


Peu après la mort d'Hippolito dont il était l'élève, Visbhume sollicita un poste d'apprenti auprès du sorcier Tamurello mais essuya un refus. Il offrit alors de vendre un coffre contenant des objets qu'il avait emportés de chez Hippolito qui contenait de vieux manuscrits et Visbhume en offrit le prix demandé. Le hasard ayant propagé la nouvelle de la transaction jusqu'aux oreilles de la sorcière Desmeï, elle se rendit chez Tamurello et demanda l'autorisation d'examiner les parchemins en question. Ce qu'il l'autorisa à faire avec la plus grande courtoisie.

"C'est assez bizarre que nous ne nous soyions jamais rencontrés", lui dit-elle.

"L'univers est vaste. Nous sommes perpétuellement confrontés à des expériences nouvelles, en général pour notre plaisir", répondit-il galamment.

Pendant un moment ils dicutèrent d'eux-mêmes et de leurs idées. Jugeant Tamurello stimulant et plein de vitalité, Desmeï décida de le prendre pour amant. Tamurello y déploya autant d'ardeur qu'elle même de sorte que tout alla bien le temps d'une saison. Cependant, bien vite arriva le déclin de leurs jeux amoureux. Alors Desmeï se jetta à sa tête, usant tour à tour de tous les artifices de la coquetterie. Ni soupirs ni sentiments n'avaient d'emprise sur Tamurello, et elle découvrit bien vite qu'il était cuirassé contre les cajoleries, cependant que les reproches avaient pour seul effet de l'ennuyer. Tamurello commença à éviter Desmeï, mais voyant qu'elle n'abandonnait pas, en désespoir de cause, il lui jeta un sort d'ennui : elle prit en dégout le monde, ses ambitions futiles et ses plaisirs insipides, mais son caractère était si fort que pas un instant elle ne soupçonna que le changement pouvait tenir à elle.
Plongée dans une lugubre méditation, Desmeï erra dans les vastes salles de son palais, puis elle décida d'abandonner le monde. Elle se prépara à la mort et, du haut de sa terrasse, regarda le soleil se coucher pour la dernière fois. Toutefois, elle s'activa pour mettre en oeuvre une série d'ultimes formulations merveilleuses. Elle éprouvait certainement l'impression d'avoir été trahie, et sans doute aussi, un désir de vengeance, et elle paraissait animée par des forces purement créatrices. En tout cas elle produisit deux objets hors de pair. Pour atteindre ses objectifs, Desmeï utilisa des matériaux variés : du sel marin, de la terre provenant du Mont Khambaste, des exsudations et des onguents, en même temps que des éléments de sa propre substance. Ainsi donc elle créa un couple d'êtres merveilleux : des modèles de toute grâce et beautés. La femme était Mélancthe, l'homme était Faude Carfilhiot. Une fois qu'ils se furent dressés nus et indifférents dans le laboratoire de la sorcière, les scories restées dans la cuve exhalèrent une vapeur verte à l'odeur infecte. Après en avoir absorbé involontairement une bouffée, Mélancthe recula avec dégoût et la recracha. Par contre Carfilhiot la trouva à son goût et aspira avec avidité.


*Les yeux larmoyants de fatigue, mais saisie et prise par le récit, continue malgrè tout sa lecture*

Quelques années plus tard, le château tomba aux mains des soldats du royaume voisin. Carfilhiot fut capturé et pendu à un gibet d'une hauteur démesurée. Son cadavre fut finalement dépendu, placé sur un bûcher et brûlé tandis que résonnait la musique des flûtes et des cornemuses. Au milieu des réjouissances, les flammes émirent une giclée de vapeur verte fétide qui, emportée par le vent, vola au-dessus de la mer. Elle tourbillonna au ras des flots, se mêla à l'écume des vagues et se condensa en une perle verte qui coula au fond de l'océan où, un beau jour, elle fut gobée par un gros turbot...

*Le livre encore ouvert sur ses genoux, Graetel étendue mollement à coté de son frère dans une position étrange, vogue à présent au fond de l'océan, devenue créature de l'eau*...

Par Llenlleawg le 6/6/2002 à 23:46:00 (#1605816)

:lit:
Très joli début
il faudrait que je trouve le temps de relire cette oeuvre. mais, j'ai déjà tant de livres dans lesquels je voudrais me replonger.

quoique, si on me prête cette édition reliée de cuir...

Par Graetel le 7/6/2002 à 0:00:28 (#1605908)

*se réveille, un gout salé dans la bouche*

*contente de trouver quelqu'un qui partage ses goûts*

Oh ! juste le temps de le terminer et je vous le prêterai bien volontier ! Il est en effet plus merveilleux encore de lire sur des papiers jaunis *sourit*

Puisse cet engouement être encore partagé par d'autres !