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Le Rêve

Par Yolinne MIP le 18/3/2002 à 18:05:26 (#1134435)

Quelques petits poèmes jetés ici pour le bonheur des amoureux de cet art lettré ;)

Mon rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'un homme inconnu, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait le même
Ni tout à fait un autre, et m'aime et me comprend.

Car il me comprend, et mon coeur transparent
Pour lui seul hélas ! cesse d'être un problème
Pour lui seul, et les moiteurs de mon front blême,
Lui seul les sait rafraîchir, en pleurant.

Est il brun, blond ou roux ? -Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés de la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et pous sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui me sont tues.

D'après Paul Verlaine


Rêveries

Oh ! Laissez moi ! C'est l'heure où l'horizon qui fume
Cache un front inégal sous un cercle de brumes,
L'heure où l'astre géant rougit et disparaît.
Le grand bois jaunissant dore seule la colline :
On dirait qu'en ces jours où l'automne décline,
Le soleil et la pluie ont rouillé la forêt.

Oh ! Qui fera surgir soudain, qui fera naître,
Là-bas,-tandis que seul je rêve à la fenêtre
Et que l'ombre s'amasse au fond du corridor,-
Quelque ville mauresque, éclatante, inouïe,
Qui, comme la fusée en gerbe épanouie,
Déchire ce brouillard avec ses flêches d'or !

Qu'elle vienne inspirer, ranimer, ô génies !
Mes chansons, comme un ciel d'automne rembrunies,
Et jeter dans mes yeux son magique reflet
Et longtemps s'éteingnant en rumeurs étouffées,
Avec les milles tours de ses palais de fées,
Brumeuse, démanteler l'horizon violet !

De Victor Hugo

Le dormeur du Val

C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons,

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort ; Souriant comme
Souriait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur la poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

D'Arthur Rimbaud


En dédicace à quelqu'un que j'ai maintenu éveillé sous cette discussion qui tourna presque philosophiquement aux contours du Rêve

:ange:

Par Kyriane Feals le 18/3/2002 à 18:09:35 (#1134473)

:lit: :chut:

Dommage qu'ils soient d'auteurs connus... :D

Ljd Kyriane and the Kyriane's Angels.

Par Lars Sylrus le 18/3/2002 à 18:25:18 (#1134584)

arg, je deteste le dernier, je c pas pkoi il me touche autant mais il m'a tjs fait grave déprimer :sanglote:

Larsouille

Par Dodgee MIP le 18/3/2002 à 18:27:48 (#1134602)

Verlaine, Rimbaud, manquerait plus que Baudelaire et je serais comblé :) Alors pour la peine, en voici un extrait:

En rouvrant mes yeux pleins de flamme
J'ai vu l'horreur de mon taudis
Et senti rentrant dans mon âme,
La pointe ds soucis maudits;

La pendule aux accents funèbres
Sonnait brutalement midi,
Et le ciel versait des ténèbres
Sur le triste monde engourdi


Spéciale dédicace à tous ceux qui se reconnaitront...

Par Azulynn Kissous le 18/3/2002 à 18:37:59 (#1134671)

Délicieux. A lire et à relire. ;)

Par Sylbarounet le 18/3/2002 à 18:43:49 (#1134718)

*étudie Baudelaire en cours* titre du poeme la charogne hum... cé bien le genre dauteur que dodgee aime sa pffffffff ;)

Par Yolinne MIP le 18/3/2002 à 18:46:14 (#1134736)

ah tu veux du Baudelaire mon Donnut ? =)
hmmm ds le côté lyrique et moins lugubre que d'autres j'ai celui-là =)

L'Ennemi

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversés çà et là par de brillants soleil ;
Le Tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres innondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique élément qui ferait leur vigueur ?

- Ô Douleur ! Ô Douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !

De Charles Baudelaire



Vi Kyky, mais pour ma part, j'adore retomber sur ce genre de poèmes que je n'ai lu depuis bien longtemps, et je prend toujours le même plaisir à les redécouvrir... :)

Par Dodgee MIP le 18/3/2002 à 18:51:28 (#1134770)

Mici la coloc :) Mais je suis pas un donnut... :(

Pour la peine en voilà un autre, toujours dans mon sinistre registre, mais de moi cette fois:p

On se reveille, encore, une nuit tourmentée,
Par nos actions d'alors, tout le poids du passé.
Ce sommeil si tentant, maintenant redouté,
Où l'on se sent si seul, tellement desarmé.

Tout était si tranquille, ou devrais je dire facile?
Une vie sans histoire, sans mérite et sans gloire,
Si ce n'est de vivre, était ce donc si futile,
Plutôt que de combattre, maintenant par devoir.

On me dit inspiré, je voudrais bien le croire,
Si je savais quoi faire, si j'étais sur de moi,
Mais comment combattre, ce que l'on ne peut voir,
Et vaincre ce qu'après tout, on a chacun en soi?

Dodgee, ML Agone

PS Ah vi Sylbarounet, c'est pas de la charogne, c pas assez noir pour ca, c'est des tableaux parisiens, et c'est justement la fin du poême "rêve parisien"

Par sans nom le 18/3/2002 à 18:59:39 (#1134831)

on va encore crier que je suis un soldat immoral mais ...

j'adore le poeme de Rimbaud : le dormeur du val

allez savoir pkoi ...

Par Sylbarounet le 18/3/2002 à 19:01:17 (#1134846)

bah suis pi etre québécois mais je savais sa dodgee se que je voulais dire cé que si tu aime baudelaire tu dois aimer ces poèmes sombre donc té sombre donc té sans aucun doute comme dit les rumeur un mangeur d'enfant et de femme.

Bien sur se ne sont que de simple supposition que tu va surement démentir mais j'ai une question ta ton déja vu faire le bien?? Pas moi en tout cas aller dit le que té un vilain :p

A la très chère, à la très belle
Qui remplit mon coeur de clarté,
A l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité!


Elle se répand dans ma vie
Comme un air imprégné de sel,
Et dans mon âme inassouvie
Verse le goût de l'éternel.


Sachet toujours frais qui parfume
L'atmosphère d'un cher réduit,
Encensoir oublié qui fume
En secret à travers la nuit,


Comment, amour incorruptible,
T'exprimer avec vérité?
Grain de musc qui gis, invisible,
Au fond de mon éternité!


A la très bonne, à la très belle,
Qui fait ma joie et ma santé,
A l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité!

Par Sylbarounet le 18/3/2002 à 19:03:39 (#1134861)

petit pour sans nom qui va aimé je pense

Je m'appelle Jean, Jean Batailleur,
Je m'ennuie tant que ça me fait peur;
Je suis orphelin, abandonné,
Sous la pleine lune on m'a trouvé.

Au bout du monde où je suis né,
La vie est dure, l'amour cassé,
C'est pas la peine de faire comme si,
Tout est foutu, tout est pourri,
La vie est dure, y'a pas d'espoir
Quand on est mauvais comme moi.

Passe la bouteille, sers-moi un verre,
Plus que je boie, plus je vois clair.
Y'as pas d'avenir, y'en aura pas,
Y'a qu'l'amertume et le tracas.
Des fois je vois l'étoile rouge,
J'entends l'appel, je sens le loup.

Prends ton couteau, allons dehors,
Viens donc danser avec Tit Jean.
À coups de poing et au fusil,
Je suis le plus fort dans le pays.
Ça m'a donné que de l'ennui,
Des points de suture et des ennemis.

Je m'appelle Jean, Jean Batailleur,
Je m'ennuie tant que ça me fait peur;
Je suis orphelin, abandonné,
Sous la pleine lune on m'a laissé.

Par Argentine The Saint le 18/3/2002 à 19:04:11 (#1134868)

Tres rechercher! ou vous trouver ses idee la vous pouvez me el dire moi meme je n'y arrive pas
*normal est pas amis avec l'orthographe*
j'ai les yeux bleux comme les boeux heu...non sa rime pas enfin bref que tes poesies se realise ou moin sa sera sa!

Par Yolinne MIP le 18/3/2002 à 19:08:51 (#1134902)

Alors moi même suis-je une mangeuse d'enfants ? ;)
Car Baudelaire, je le lis, je le vis, je le ressens, je me plais a oguer sur ses horribles mots, ses tortures de la beauté, ses tableaux a la fois doux et horribles..ouhlaa je m'emporte =)
*utilise svt aussi le terme spleen emprunte a Baudelaire=)))*

Par Sylbarounet le 18/3/2002 à 19:13:57 (#1134940)

Yolinne toi cé pas de ta faute Dodgee ta rentrer dans sa secte tu vois plus claire ;)

je sais je sais calomnieeeeeeeeeeeeeeeeee

Par Dodgee MIP le 18/3/2002 à 19:30:48 (#1135040)

Euh non je mange pas d'enfants... Ca c'est Dark... Par contre des femmes ouais ca doit se faire *regarde sa coloc* Vivi ca va se faire...

Et oui j'aime Baudelaire, que dis je? Il est comme ce vin dont on s'abreuve jusqu'à sombrer, mais dont on ne peut se séparer. De toutes facons tous mes poemes sont sombres, ca n'est guere un secret pour ceux qui ont pu en lire. Peut être car c'est les seuls moments ou j'aime a confier ces pensées par écrit. Ca veut pas dire que je sois un mechant, hein? *regarde l'assistance comme pour etre rassuré*

Et evidemment je nie avoir une quelconque responsabilité sur la coloc. Elle a bon gout, c'est tout :)

Par Carmine le 18/3/2002 à 19:39:29 (#1135089)

Par contre des femmes ouais ca doit se faire *regarde sa coloc* Vivi ca va se faire...


On va ptet vous laisser alors...;) :p :D

pour rester dans le ciontexte du reve ...

Par Yolinne MIP le 19/3/2002 à 14:18:04 (#1138093)

*en rajoute encore un qu'elle affectionne bien :)*

Apparition

La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archer aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
- C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un Rêve au coeur qui l'a cueilli ;
J'errais donc, l'oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil dans les cheveux, dns la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.

De Stéphane Mallarmé


Tiens je rajoute aussi un passage du Bateau ivre que j'aime bcp :)

Je sais les Cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants ; je sais le soir
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir.

J'ai vu le soleil bas, tâché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs filaments violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulants au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges eblouïes,
Baiser mon temps aux yeux des murs avec lenteur,
La circulation des sèves inouïes
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

D'Arthur Rimbaud



Yo*qui aime faire partager ses petites passions :)*yo

Par Dodgee MIP le 19/3/2002 à 14:26:53 (#1138117)

Rah mais comment elle peut encore penser a tout ca quand elle est dans la coltard?? :)

Par Yolinne MIP le 19/3/2002 à 14:29:06 (#1138123)

mais euh! faut pas dire que je suis ds le coltar didiou ! :p
j'aime juste donner qulques vers porteurs de rêves .... :)

Par Kerberos Dark le 19/3/2002 à 14:34:04 (#1138139)

Vous nous faites un championnat du bon goût là ou quoi?
Ca fait toujours plaisir de relire ces classiques qui sont toujours aussi enchanteurs.

*rajoute sa pierre*

Les preux ne le sont que pour un instant,
Comme un rêve du soir au printemps.
Les forts finissent toujours par être détruits,
Ils sont comme la poussière sous le vent.

Par Dodgee MIP le 19/3/2002 à 14:38:22 (#1138151)

Je l'ai déjà dit qu'elle avait bon goût? Oui? Bah tant pis je le redis encore une fois :)

Ca fera un très bon repas tout ca...

Par Kerberos Dark le 19/3/2002 à 14:42:00 (#1138163)

L'aile ou la cuisse? Ya moyen de négocier une part?


Kerberos *cannibale* Dark

*se contente de les lire*

Par Subtil le 19/3/2002 à 15:59:11 (#1138397)

:chut: ;)


-Sub *qui dort peu ces temps ci, allez savoir pourquoi* til :)

Par Yolinne MIP le 19/3/2002 à 19:44:20 (#1139738)

Provient du message de Kerberos Dark :
L'aile ou la cuisse? Ya moyen de négocier une part?


Kerberos *cannibale* Dark

Haemmmm :doute:
vala ils parlent de bouffe qd je fais un post avec de jolis poemes........ :rolleyes: tssss les hommes alors ! :doute:

Par Dodgee MIP le 19/3/2002 à 19:55:35 (#1139823)

Allez encore un, pour satisfaire la coloc :)

Le rêve d'un curieux Par Baudelaire, pour changer

Connais tu, comme ou, la douleur savoureuse
Et de toi fais tu dire: oh l'homme singulier!
- J'allais mourir. C'était dans mon âme amoureuse
Désir mêlé d'horreur, un mal particulier;

Angoisse et vif espoir, sans humeur factieuse.
Plus allait se vidant le fatal sablier,
Plus ma torture était âpre et délicieuse;
tout mon coeur s'arrrachait au monde familier.

J'étais comme l'enfant avide du spectacle
Haissant le rideau comme on hait un obstacle...
enfin la vérité froide se révéla:

J'étais mort sans surprise, et la terrible aurore
M'enveloppait. - Eh quoi n'est ce donc que cela?
La toile était levée et j'attendais encore.

Par Yolinne MIP le 19/3/2002 à 20:13:25 (#1139947)

tiens j'en ai un beau sous la main je ne resiste pas :)

Spleen (LXII)

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent en furie
Et lancent dans le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement .

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir .

De Charles Baudelaire

Par Dodgee MIP le 19/3/2002 à 20:21:50 (#1140009)

Roooohhh là je craque :) Je l'adore trop :)

Tristesse de la lune

Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse;
Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et légère caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,

sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante elle se livre aux longues pamoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l'azur comme des floraisons.

Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme fugitive,
Un poête pieux, ennemi du sommeil,

Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
Et la met dans son coeur loin des yeux du soleil.


Par Charles Baudelaire MIP
Membre posthume de la MIP Corporation

Par Yolinne MIP le 19/3/2002 à 20:52:38 (#1140255)

En dédicace à Silwenne tiens ;) et merci a Dodgee pour son aide ;)

Les Femmes damnées : Delphine et Hippolyte

A la pâle clarté des lampes languissantes,
Sur de profonds coussins tout imprégnés d'odeur,
Hippolyte rêvait aux caresses puissantes
Qui levaient le rideau de sa jeune candeur

Elle cherchait, d'un oeil troublé par la tempête,
De sa naïveté le ciel déjà lointain,
Ainsi qu'un voyageur qui retourne la tête
Vers les horizons bleus dépassés le matin.

De ses yeux amortis les paresseuses larmes,
L'air brisé, la stupeur, la morne volupté,
Ses bras vaincus, jetés comme de vaines armes,
Tout servait, tout parait sa fragile beauté.

Etendue à ses pieds, calme et pleine de joie,
Delphine la couvait avec des yeux ardents,
Comme un animal fort qui surveille une proie,
après l'avoir d'abord marquée avec les dents.

Beauté forte à genoux devant la beauté frêle,
superbe, elle humait voluptueusement
Le vin de son triomphe, et s'allongeait vers elle,
comme pour recueillir un doux remerciement.

Elle cherchait dans l'oeil de sa pâle victime
Le cantique muet que chante le plaisir,
Et cette gratitude infinie et sublime
Qui sort de la paupière ainsi qu'un long soupir.

- Hippolyte, cher coeur, que dis tu de ces choses?
Comprends tu maintenant qu'il ne faut pas offrir
L'holocauste sacré de tes premières roses
Aux souffles violents qui pourraient les flétrir?

Mes baisers sont légers comme ces éphémères
Qui caressent le soir les grands lacs transparents,
Et ceux de ton amant creuseront leurs ornières
Comme des chariots ou des socs déchirants;

Ils passeront sur toi comme un lourd attelage
De chevaux et de boeufs aux sabots sans pitié...
Hippolyte, ô ma soeur! tourne donc ton visage,
Toi, mon âme et mon coeur , mon tout et ma moitié,

Tourne vers moi tes yeux pleins d'azur et d'étoiles!
Pour un de ces regards charmants, baume divin,
Des plaisirs plus obscurs je léverai les voiles
Et je t'endormirai dans un rêve sans fin!

Mais Hippolyte alors, levant sa jeune tête:
- Je ne suis point ingrate et ne me repens pas,
Ma Delphine, je souffre et je suis inquiète,
Comme après un nocturne et terrible repas.

Je sens fondre sur moi de lourdes épouvantes
Et de noirs bataillons de fantômes épars,
Qui veulent me conduire en des routes mouvantes
Qu'un horizon sanglant ferme de toutes parts.

Avons nous donc commis une action étrange?
Explique si tu peux, mon trouble et mon effroi:
Je frissonne de peur quand tu me dis: Mon ange!
Et cependant je sens ma bouche aller vers toi.

Ne me regarde pas ainsi, toi, ma pensée!
Toi que j'aime à jamais, ma soeur d'élection,
Et quand même tu serais une embûche dressée
Et le commencement de ma perdition!

Delphine secouant sa crinière tragique,
Et comme trépignant sur le trépied de fer,
L'oeil fatal, répondit d'une voix despotique:
- Qui donc devant l'amour ose parler d'enfer?

Maudit soit à jamais le rêveur inutile
Qui voulut le premier dans sa stupidité,
S'éprenant d'un problème insoluble et stérile,
Aux choses de l'amour mêler l'honnêteté!

Celui qui veut unir dans un accord mystique
L'ombre avec la chaleur, la nuit avec le jour,
Ne chauffera jamais son corps paralytique
A ce rouge soleil que l'on nomme l'amour!

Va, si tu veux, chercher un fiancé stupide;
Cours offrir un coeur vierge à ses cruels baisers;
Et pleine de remords et d'horreur, et livide,
Tu me rapporteras tes seins stigmatisés...

On ne peut ici bas contenter qu'un seul maitre!
Mais l'enfant, épanchant une immense douleur,
Cria soudain: - Je sens s'élargir en mon être
Un abime béant; cet abime est mon coeur!

Brillant comme un volcan, profond comme le vide!
Rien ne rassasiera ce monstre gémissant
Et ne rafraichira la soif de l'Euménide
Qui, la torche à la main, le brûle jusqu'au sang.

Que nos rideaux fermés nous séparent du monde,
Et que la lasssitude amène le repos!
Je veux m'anéantir dans ta gorge profonde
Et trouver sur ton sein la fraîcheur des tombeaux!

- Descendez, descendez, lamentables victimes,
Descendez le chemin de l'enfer éternel!
Plongez au plus profond du gouffre, où tous les crimes,
Flagellés par un vent qui ne vient pas du ciel,

Bouillonnent pêle-mêle avec un bruit d'orage.
Ombres folles, courez au but de vos désirs;
Jamais vous ne pourrez assouvir votre rage,
Et votre châtiment naîtra de vos plaisirs.

Jamais un rayon frais n'éclaira vos cavernes;
Par les fentes des myrs des miasmes fiévreux
Filtrent en s'enflammant ainsi que des lanternes
Et pénètrent vos corps de leur parfums affreux.

L'âpre stérilité de votre jouissance
Altère votre soif et roidit votre peau,
Et le vent furibond de la concupiscence
Fait claquer votre chair ainsi qu'un vieux drapeau.

Loin des peuples vivants, errantes, condamnées,
A travers les déserts courez comme des loups;
Faites votre destin, âmes désordonnées,
Et fuyez l'infini que vous portez en vous!


De Charles Baudelaire


hop =)

Par Dodgee MIP le 19/3/2002 à 21:08:34 (#1140418)

Allez, celui la me tient vraiment a coeur :)

Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville.
Quelle est donc cette langueur
Qui pénètre mon coeur?

O bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits!
Pour un coeur qui s'nnuie
O le chant de la pluie!

Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s'écoeure.
Quoi! nulle trahison?
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,
Mon coeur a tant de peine!

Par Paul Verlaine

Par Yolinne MIP le 19/3/2002 à 21:25:16 (#1140554)

Tiens encore un petit de Baudelaire pour mes amis les chats =))))

LI - Le Chat

Dans ma cervelle se promène,
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,

Tant son timbre est tendre et discret;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.

Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.

Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a pas besoin de mots.

Non, il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,

Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux!

II

De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressée une fois, rien qu'une.

C'est l'esprit familier du lieu;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire;
Peut-être est-il fée, est-il dieu?

Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,

Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales
Qui me contemplent fixement.

De Charles Baudelaire MIP :p

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