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Par Zanthar le 5/3/2002 à 16:30:20 (#1067195)
Formule certes galvaudée, mais qui garde toute sa pertinence aujourd'hui. Alors que le hiatus entre la puissance de la technique et le désarroi de l'homme n'a jamais été aussi criant, la mise en garde rabelaisienne révèle toute sa profondeur. Dans un monde qui a fait de l'efficacité sa valeur de référence et de la réussite économique le seul critère de pertinence, les questions du «pourquoi?» n'auraient-elles plus de raison d'être? Notre engouement à trouver des réponses toujours nouvelles au «com-ment?» les aurait-il rendues sans objet? Le Manifeste pour la place scientifique Suissepublié sous les auspices du Conseil suisse de la science et de la technologie, ainsi que les prolongements dont il a fait l'objet récemment dans la presse, laissent songeur. En effet, en filigrane apparaît dans ces textes le profil de la science que les signataires appellent de leur voeux. Elle est quasi exclusivement axée sur l'accumulation des connaissances techniques et technologiques, donc sur le «comment?» décliné à l'infini, alors que la dimension du sens et du «pourquoi?», pour utiliser les termes de Rabelais, la dimension de conscience, est réduite au rôle de la légendaire feuille de vigne. La question du «pourquoi?» doit être posée Par le manifeste, d'éminentes personnalités de la science suisse s'adressent aux autorités politiques et les invitent à bourse délier. Pourquoi? Parce que les dépenses dans la science - rappelle le manifeste - sont un «investissement» et un investis-sement rentable de surcroît. L'investissement, martèle le manifeste, nourrit l'innovation laquelle, à son tour, fructifie en ri-chesse, et sans richesse, point de bien-être et donc de salut. Quand le mythe scientiste rencontre celui de l'économisme, ils aveuglent les meilleurs cerveaux - le Manifeste en est une preuve supplémentaire, comme d'ailleurs le plaidoyer pro domo des responsables du FAME. Tout parent sait à quel point il peut être dangereux d'ouvrir la porte au «pourquoi?». Ce questionnement débouche infailli-blement sur une pente glissante, où l'argumentaire en kit montre ses limites, où l'on risque à tout moment d'être mis hors jeu ou renvoyé au vestiaire par le rejeton. Le «pourquoi?» dérange et déstabilise, il remet en question des choix et des comportements et aboutit inexorablement au questionnement éthique. C'est la raison pour laquelle on le craint et on le refoule, on le remet systématiquement à demain, tout en sachant que cette tactique est vouée à l'échec. Même enfouie et oubliée, la question finit toujours par ressortir, souvent d'ailleurs «au plus mauvais moment», sous la forme d'une dépression ou d'une crise tardive d'adolescence. Ce qui est vrai de la personne pourrait bien être vrai de la société en général, et plus particulièrement de la Suisse aujourd'hui. L'onde de choc déclenchée par la tragédie du 11 septembre indiquerait même que nos sociétés ne sont pas loin du point de rupture, qu'il y a donc une certaine urgence, non seulement à poser la question du «pourquoi?», mais aussi à en tirer les conséquences pratiques des réponses éventuelles. Tout ne peut pas être ramené à la sphère marchande Le texte du manifeste indique que ses auteurs, à l'instar des parents pressés, ne sont pas près d'admettre que les temps sont mûrs pour que la science - entendue par le manifeste comme l'ensemble des sciences susceptibles d'innovation au sens mar-chand du terme - fasse à la conscience la place qui lui revient. Le rééquilibrage dont il est ici question ne pourra se faire sans un changement profond dans la répartition des masses financières. Il ne s'agit pas d'entrer dans le marchandage budgétaire entre les sciences techniques et biomédicales d'un côté, et les sciences humaines et sociales de l'autre. En l'occurrence, il est urgent de créer les conditions pour que les deux mondes cloisonnés et séparés aujourd'hui s'interpénètrent et pour qu'une interaction s'établisse entre eux.Le risque d'un moindre retour sur l'investissement est le prix à payer pour éviter «la ruine de l'âme». Le retard accumulé est considérable, il ne pourra être rattrapé qu'au prix d'un sérieux effort, aussi bien au niveau des institu-tions qu'à celui des mentalités. Un des mythes qui doit tomber pour ouvrir la voie au rattrapage dont il est question concerne l'idée fort répandue, que le manifeste véhicule par ailleurs, selon laquelle il y aurait convergence naturelle entre des intérêts du secteur privé et du secteur public en matière de science et de recherche. Poussé par sa logique propre, le secteur privé est intéressé aux domaines où la dépense se rapproche le plus de l'investissement avec un retour à la clé, via une compétence technique nouvelle, une innovation ou un brevet. L'intérêt de la science publique devrait aller plus loin, jusqu'à s'interroger sur les effets externe -sociaux, humains, écologiques et culturels, etc. - dont l'innovation ou le brevet sont porteurs. Et cela aussi bien au niveau de chaque percée, que - et peut-être avant tout - à un niveau systématique et systémique. Cette dimension de la science dépasse l'intérêt du finance ment privé, voire le dérange ou même entre en conflit ouvert avec les intérêts de ce dernier. C'est justement parce que potentiellement il dérange, parce qu'il s'attache au «pourquoi?» et ne se laisse pas séduire par le «comment?» que ce type d'investigation critique, au sens positif du terme, doit recevoir une attention et un soutien particulièrement forts du secteur public qui est le seul en mesure de le financer, mis à part quelques rares mécènes. L'hyperspécialisation guette les institutions académiques L'institution universitaire se développe par bourgeonnement, c'est-à-dire par des ramifications et une spécialisation toujours plus poussées. Cette tendance profonde est encore renforcée, aussi bien par le mode de recrutement que par celui de la me-sure du succès qui prévalent à l'intérieur de l'académie. En effet, les deux mécanismes principaux qui assurent la reproduction de l'institution reposent sur la même logique et sont entre les mains des «pairs», c'est-à-dire des professeurs ayant autorité soit institutionnelle, soit épisté-mique sur leur territoire, soit budgétaire, soit scientifique, soit les deux. Dans la plupart des cas, les écarts par rapport à la «trajectoire normale», les transgressions des frontières des disciplines établies sont vues soit comme des agressions, soit comme de trahisons et sanctionnées en conséquence. Pour sortit du cercle vicieux de l'autocon-gratulation érigée en système, il est urgent d'inscrire dans les institutions de recherche universitaires des passerelles et des incitations à croiser des disciplines, spécialement les disciplines qui s'occupent du «comment?» avec celles qui ont mis le «pourquoi?» au coeur de leur démarche. Le cas du FAME lémanique, né de la coopération entre le monde bancaire et les universités, montre comment la conjonction de la rigidité institutionnelle des universités avec une coopération, par ailleurs exemplaire, entre le privé et le public, peut conduire à laisser en friche des pans entiers de la connaissance et de la conscience. Toutes les ressources propres du FAME et celles dont il a la maîtrise indirecte sont concentrées sur l'excellence technique de la finance. Il s'ensuit que les dimensions sociétales, éthiques, et culturelles du phénomène complexe de la financiarisation - que l'excellence technique alimente par ailleurs - sont laissées pour compte. Un tel choix est parfaitement cohérent par rapport à la vision privée de l'excellence technique et correspond aussi à la logique de la reproduction de l'institution académique par l'hy-perspécialisation. Il n'en . demeure pas moins que la technique occupe tout le terrain, aussi bien institutionnel que financier, ce qui lui permet d'étouffer tout contrepoids, toute voix discordante par rapport aux succès du «comment?». Aujourd'hui, seuls quelques rares thésards ou chercheurs indépendants - dont certains se regroupent autour de l'Observatoire de la finance - investissent à leurs risques et périls et avec de pauvres moyens le terrain de la dimension et de la responsabilité sociétale de la finance. Résultat la réflexion sur les effets externes de la finance et la capacité du privé et du public à y faire face se trouve en Suisse dans un état d'indigence notoire, comme le démontre d'ailleurs le scandale économique, social, politique, mais par dessus tout éthique, de Swissair. Ce n'est point en invoquant la rationalité de «l'investissement» que nous serons mieux à même de comprendre et maîtriser les effets externes, ni dans le; domaine de la finance, ni dans celui des biotechnologies, ni dans celui des technologies de l'information. Il est urgent, comme di- sait Rabelais, de ne pas oublier de donner les moyens de son développement à la conscience quand il est question de financer la science.
Mhhhhh... ok j'arrête...
Par Ubaldis le 5/3/2002 à 16:35:07 (#1067211)
http://www.swtr.ch/swtr_fr/pdf/agefi_manifest271101.pdf
;)
Par Rainbow Knight le 6/3/2002 à 10:13:44 (#1070988)
Par Caepolla le 6/3/2002 à 10:25:52 (#1071041)
Pour moi, il s'agit d'une simple règle de courtoisie : si on copie un texte, on cite sa source. Point.
En aucun cas je n'ai cassé Zanthar. Je n'ai fait que compléter le message pour citer la source. Et je ne me permettrais pas de "casser" Zanthar, comme tu dis, ne serait-ce que parce que j'apprécie particulièrement ses interventions.
:)
P.S. : Ub. qui s'est planté de compte.
Par Rainbow Knight le 6/3/2002 à 10:28:05 (#1071052)
Provient du message de Caepolla
En aucun cas je n'ai cassé Zanthar. Je n'ai fait que compléter le message pour citer la source.
:)
Bobo tête. :p
Mais on pourrait répondre à ma question?
Nyark résume bien la situation...
Je cherche encore à recevoir des pierres, c'est pathologique...
Par jwrk le 6/3/2002 à 13:49:58 (#1071972)
PS: Cher Ubaldis, si vous tenez réellement profondément à ce principe, n'oubliez pas de remercier Jorge Louis Borges pour le background de votre personnage sur le théatre des illusions;) .
Par Anianka le 6/3/2002 à 13:55:55 (#1072017)
Mes etudes scientifiques ont laissé un gros trou pour ce qui est de la litteraure classique...
Moi fatigué, moi rien comprendre....
Par Myvain le 6/3/2002 à 14:03:38 (#1072079)
Je ne me souviens pas exactement du texte mais il me semble que dans ce cas là, il s'agit d'extraits et de quelques rajouts et non d'un simple copier/coller d'un texte trouvé sur internet.
//Edit: Puisqu'il le demande *jette une pierre à Jean-Wilfried Romano de Kuiperdolin alias Jwrk* ;)
Par Caepolla le 6/3/2002 à 15:02:12 (#1072488)
Oui, mon texte est constitué en grande partie de bouts de textes tirés de la Bibliothèque de Babel de Borgès. Mais c'est un texte tellement célèbre que j'espérais bien justement que ce serait remarqué, parce que c'est parfois lassant de faire des clins d'oeil à tout bout de champ sans qu'ils le soient. ;)
Ta remarque me réjouit au contraire (pour Myvain, ça compte pas, je crois que je t'avais dit d'où ça provenait, non ? :p)
Par Myvain le 6/3/2002 à 15:29:33 (#1072715)
Provient du message de Caepolla
(pour Myvain, ça compte pas, je crois que je t'avais dit d'où ça provenait, non ? :p)
Non, j'ai lu Borges en étant étudiant :p
Alleeeeeeez dit moi que je te réjouis aussi!! :monstre:
Hm waw !
Par flint-le-nain le 6/3/2002 à 17:30:13 (#1073483)
Merci pour les infos donc.
@ + (je changerai ma signature puiske l'autre extra-terrestre y tient tant).
Par Caepolla le 6/3/2002 à 18:03:28 (#1073697)
:)
Par Greumlins le 6/3/2002 à 18:10:52 (#1073742)
Par Shinji le 6/3/2002 à 18:15:42 (#1073793)
Par Zanthar le 7/3/2002 à 13:48:50 (#1078006)
J'aurai du citer ma source, mea culpa, même si c'était évident que ça ne sortait pas de ma petite tête (heureusement!).
ps: quelle frayeur de voir mon modeste post transformé en sujet! surtout pour un thème que je ne maîtrise pas! :)
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