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souvenirs...

Par Ael D'Ombrelune le 27/2/2002 à 16:36:50 (#1035415)

Maintenant que je sais mes textes protégés, je peux remettre mes vieux récits poussiéreux ici. Ils éclaireront peut-être les jeunes lecteurs sur les textes plus récents.

Bonne idee

Par Garou Willer le 27/2/2002 à 16:39:46 (#1035431)

Ouep, vu la qualite de tes textes actuels, et l'eloge que font les grabataires de tout tes vieux recits, moi ca m'interresse.

PS : grabataire n'est pas pejoratif, mais simplement signifiant des veterans du forum

Par Ksenia Kemler le 27/2/2002 à 16:40:31 (#1035436)

*triple salto arrière suivi d'un double piqué* (ouais j'ai regardé les derniers JO, y a des restes!)

Bonne idée! parce que j'avais enregistré ces fameux textes mais les ai [très bêtement censuré] effacés de mon DD lors d'une fausse manip :rolleyes:

Par Ansi de Keyl le 27/2/2002 à 16:42:04 (#1035449)

Enfin une bonne nouvelle :)

La fleur de cristal

Par Ael D'Ombrelune le 27/2/2002 à 16:45:32 (#1035464)

C'était un soir d'orage.
L'auberge du Loup Borgne était le refuge de toutes les errances du canton. Ses lucarnes éclairées défiaient l'obscurité de la nuit tombante. Les rires, les cris et les chants rivalisaient avec le tonnerre et les éclairs. S'il restait un semblant de vie dans ce pays, il était ici et nulle part ailleurs.
Ma mère était au comptoir et surveillait ses serveuses. Elle hurlait ses ordres. Elle était la reine en ces lieux et le faisait sentir. Nul homme jamais n'aurait eu l'idée de l'affronter. Pas même mon père, qui écumait la cave, à la recherche d'un vin clairet que son esprit embrumé n'arrivait plus à localiser.
Quant à moi, je regardais, assis sous une table de marchands assoupis, les joueurs de dés jurant après le sort et les cartes truquées.
Un éclair un peu plus ambitieux que les autres immobilisa un bref instant cette bruyante assemblée. La porte de l'auberge s'ouvrit. Deux hommes, sortis de la pluie la plus drue qu'on a jamais vu, entrèrent dans un grand silence et sous le regard de dizaines de paires d'yeux incrédules.
Leur silhouette qui se détachait du ciel d'encre n'avait pas grand chose d'humain au second regard.
Des murmures parcoururent le milieu des habitués. Le mot qui résonna en moi le plus souvent était séraphin. Ce mot avait pour tous un sens fort et encore plus pour moi qui n'en avais jamais aperçu.
L'être de légende était précédé d'un demi orc trapu, incroyablement musclé. Ils traversèrent la salle, sous les regards muets.
Ma mère fut la première à reprendre ses esprits et sermonna ses filles pour qu'elles s'enquièrent des demandes de ces nobles personnes. Ce fut comme un signal et chacun reprit là où il s'était arrêté. Les rires et les chants se firent entendre à nouveaux.
C'est que par ici, on n'a pas l'habitude de se mêler des histoires des autres. Le pays avait ses grands secrets, que tous ici connaissaient mais que jamais aucun ne révélait à quelque étranger que ce soit.
Les deux arrivants posèrent leur manteau ruisselant sur un banc et s'installèrent à une table déserte. Le séraphin découvrait ses ailes blanches sous mes yeux émerveillés. Auraient-elles été noires que nul ici n'en aurait été offusqué. Après tout, l'auberge était ouverte à tous, pour peu qu'il n’amène ni ennui ni malédiction.
Mais il était extrêmement rare qu'un séraphin daigne se montrer ainsi aux mortels. Il aura fallu ce temps épouvantable pour que cette rencontre eu lieu. Cette inoubliable rencontre.
Le séraphin semblait las. Son regard fatigué fixait le verre de vin chaud qu'il venait de commander. Le demi orc, en grande tenue de guerrier, ne soufflait mot. Ses yeux brillants observaient la salle. Il semblait se méfier. Il eut tôt fait de me découvrir sous ma table. Ce fut sans doute mon visage ébahi par cette présence qui provoqua son petit rictus. Il me fit signe d'approcher.
J'étais quelque peu tétanisé par la peur. Mais ma curiosité pris rapidement le dessus et je me retrouvais bientôt tout prêt des deux personnages.
- Tu penses à ton fils, Maro, souffla le séraphin ?
- Oui maître, ils doivent avoir le même âge. Enfin, je crois, cela fait si longtemps déjà...
Le séraphin m'observait maintenant un peu plus attentivement. Cela ne me rassurait pas vraiment. Ma mère jetait aussi un regard prudent à la scène et était prête à intervenir.
- Dis-moi, petit, connais-tu bien la région, me demanda le séraphin ?
- Je... je m'appelle Adrien, Monsieur, bredouillais-je. Oui... comme ma poche, Monsieur.
- As-tu déjà entendu parler d'une ondine, habitant un lac pas loin d'ici ?
- Il est bien trop jeune, monseigneur, coupa le guerrier demi orc...
- Non Maro, tu sais bien que seuls les enfants parmi les humains peuvent voir les ondines.
- Ondine, questionnais-je ? Je... je ne sais pas... Mais il y a un lac pas loin, ça c'est sur.
- Hum... souffla le séraphin un peu dépité. Dis-moi, aimes-tu les histoires ?
Il ne me laissa même pas le temps de répondre...
- Eh bien, vois-tu, petit, je suis à la recherche d'une ondine. En fait, je suis plutôt à la recherche d'une fleur un peu particulière, une fleur de cristal...
Le séraphin me décrivit cette fleur : elle avait des pétales si fins qu'ils en étaient presque transparents et d'une douceur semblable à la soie. Cette fleur était fort rare. Si rare qu'elle en était légendaire. C'est qu'en fait, elle naissait à l'endroit même où une ondine rendait son dernier souffle, au milieu d'un lac enchanté, par un matin de brume.
- Tu vois, repris le séraphin en me regardant, c'est que j'ai une sœur, très jeune. Elle est aveugle. Le seul espoir de la guérir est de lui faire sentir cette fleur de cristal. Cela fait cinq ans ce soir que mon compagnon et moi cherchons ce remède. Cinq ans... Nous avons atteint la limite que les médecins nous ont laissée. Si demain nous n'avons pas trouvé la fleur, ma sœur mourra. Je ne pourrai guère lui survivre et j'ai fait le voue de l'accompagner au royaume des morts.
Le séraphin s'interrompit un court moment.
- Je peux aussi trouver une ondine. La seule manière de tuer une ondine est de la faire mourir de chagrin. Je pense que mon histoire sera suffisante. Aussi, je pourrai ensuite récupérer la fleur de cristal... Il ne me faudra guère longtemps pour me retrouver ensuite au chevet de ma sœur.
- Votre histoire est bien triste, monseigneur, répondis-je, mais je suis bien désolé pour vous. Je ne connais nulle ondine ou fée fréquentant les lacs voisins.
La pluie venait de cesser. Une larme perla sur la joue du séraphin. Dans son regard, la lueur d'un dernier espoir s'éteignait. Le demi-orc paya pour les verres et tous deux sortirent comme ils étaient entrés.
Ma mère vint me voir et me disputa. Je n'avais pas à parler à des étrangers. Elle me renvoya dans ma chambre.
Sous mon lit, je pris ma petite boîte en bois, où je rangeais mes quelques trésors. Un galet bleu, une coquille d'escargot, une fleur aux pétales si fins qu'ils laissaient passer le jour...
Je m'allongeais sur le lit, la fleur aussi douce que le velours dans ma main. Et tandis que le soleil renaissait, je respirais encore son doux parfum...

Transformation

Par Ael D'Ombrelune le 27/2/2002 à 16:48:34 (#1035480)

Gente Dame, Gentil Demoiseau, vous qui tenez cette missive, il est bien trop tard.
Un poison mortel en imbibe le papier et, dès le premier contact de votre peau avec celui ci, vous en êtes la malheureuse victime. Ho, vous n'aurez pas longtemps à souffrir, rassurez-vous.
Tenez, je vous laisse même une chance de vous en sortir : le seul antidote connu est de lire intégralement l'histoire qui y est contenue. Alors, l'infâme piège se dissipera.
L'histoire commence ainsi :
Je n'aime pas particulièrement LightHaven.
Depuis peu, je suis assez grand pour suivre mon oncle Darin au marché de cette ville, le jeudi. Je ne permettrai à personne de critiquer de quelque manière que ce soit mon oncle qui est une personne extraordinaire.
Mon oncle Darin n'est certes pas remarquable par sa prestance ni par la qualité de son accoutrement. C'est que nous sommes bien pauvres et modestes. Nous habitons la campagne. On s'y habille de manière pratique.
Mais mon oncle a fait bien des choses. Saviez-vous qu'il s'est montré sur toutes les plus grandes places de foire pour y présenter un numéro unique et étonnant ?
A cette époque, mon oncle capturait de bons rats bien gras, qui pullulaient dans les ruelles sordides de LightHaven. Son numéro consistait à les avaler tout vif en les tenant par la queue. Je ne sais comment mon oncle s'y prenait pour éviter de se faire mordre ou griffer par l'animal pendant son voyage vers l'estomac. Toujours est-il qu'il sectionnait la queue avec ses dents, avalait la bestiole et saluait un public à la fois dégoûté et fasciné.
Depuis, mon oncle s'est retiré du spectacle. Il élève quelques poules et lapins qu'il revend le jeudi sur le marché. De temps à autre, il lui arrive d'avoir d'autres quartiers de viande, du bœuf principalement. Du moins je le crois.
L'autre activité de mon oncle est de vendre toutes sortes de bricoleries trouvées de par ses pérégrinations. De vieilles armes rouillées, des épaves d'armures, parfois une robe de mage, maculée de sang. Plus rarement quelques bijoux de pacotilles.
Malgré l'état plus que vétuste de tout son attirail, les curieux et les amateurs étaient fort nombreux devant son étalage. Il s'agissait souvent de séraphins désœuvrés, traînant leur misère et leur ramage boueux.
Cette fois cependant, la cliente qui se présentait avait tout de la grâce, du charme et de la beauté. Autant de qualificatifs oubliés depuis longtemps sur cet espace souillé par les miasmes des pestiférés et des tuberculeux.
Il se dégageait de cette jeune dame une aura certaine, soulignés par ses atours blancs et ses cheveux d'or. Elle était très jeune et très pâle, comme si elle revenait d'entre les morts ou se relevait d'une maladie longue et douloureuse.
Elle parcourut du regard l'étal de mon oncle et s'arrêta devant une fibule au motif de deux dragons entrelacés. Elle interpella mon oncle.
- Où avez-vous eu cela ?
Elle montra du doigt la boucle quelque peu abîmée.
- Cette broche, répondit mon oncle ? Vous savez, souvent, ce sont des objets que l'on me vend... ou que l'on me donne, parfois... Là, je ne sais vraiment pas.
La jeune fille paraissait assez émue.
- C'est que... enfin, il me semble... j'avais un frère, un grand séraphin d'Artherk. Il portait un bijou semblable à celui là. C'était bien avant que je ne tombe malade, il y a cinq ans. Mon frère est parti de chez nous pour quérir un remède. J'étais aveugle et au bord du trépas. Et puis, il y a deux semaines, d'un seul coup, j'ai recouvré la vue et la santé... Je ne me souviens que d'un cri. Depuis, je suis guérie mais je n'ai plus de nouvelles de lui... Cette broche...
- Vous me faites pitié, mademoiselle, repris mon oncle que l'émotion étreignait à son tour. Votre histoire est si triste. Je vais vous faire un prix pour ce bijou... 200 pièces d'or ?
- Je n'ai que 100 pièces d'or... Mais si j'y ajoute cette bague...
- Eh bien d'accord, coupa mon oncle. Je suis perdant sur cette affaire mais cela me fait plaisir de vous aider. Nous disons donc 100 pièces d'or et ce petit anneau en échange de la broche. Voilà...
- Merci beaucoup monsieur.
- Ce n'est rien. Et puis tenez, puisque je vous trouve si pâle, si affaiblie, je vais vous offrir un bon morceau de viande de veau... si, si, j'insiste.
La jeune fille était enchantée par tant d'amabilité. Elle repartit confiante, sa broche et son paquet sous le bras. Mon oncle s'empressa d'étiqueter l'anneau pour le revendre.
A la fermeture du marché, je replaçais sur la charrette tous les invendus. C'est là que je me fis une petite réflexion sur la viande que vendait mon oncle. Il y avait au fond de la caisse quelques plumes blanches ensanglantées. Du veau avec des ailes... que voilà donc un curieux animal. Mon oncle était vraiment un être sensationnel.
Voilà, l'histoire est terminée.
Au fait, je vous ai menti, il n'y a pas d'antidote.

Espoir de paix

Par Ael D'Ombrelune le 27/2/2002 à 16:52:35 (#1035509)

Ils étaient deux et ils s'aimaient.
C'était il y a si longtemps déjà. Ensemble ils avaient tout vécu. Leur combat incessant contre le mal avait soudé leurs âmes sœurs à jamais. Leur force de caractère, leur charisme avait soulevé des montagnes et l'enthousiasme de milliers de fidèles.
Ensemble, ils avaient levé des armées. Rien ne résistait à leur volonté.
Mais peu à peu, malgré les sucés répétés, ils comprirent que le mal était sans fin et que jamais ils n'en viendraient à bout.
Le doute s'installa alors et les premiers revers vinrent. Ils étaient cruels. Ils blessaient bien plus l'âme que les corps.
Les deux héros, légendes de ce monde, se sentirent fatigués, vidés de leur énergie. Le temps avait passé et ils n'avaient guère eu le loisir de penser à eux.
Certes, ils avaient fondé une famille. Une noble famille au blason d'un lys blanc. La renommée de cette famille était telle qu'elle avait bien plus d'influence que le roi n'en avait sur ses sujets.
A leurs enfants, ils avaient inculqué leurs valeurs honorables. Et ces enfants, héritiers légitimes de leur foi reprirent le flambeau.
Et la lutte ainsi se perpétua.
Nos héros, eux, se retirèrent du monde et de ses maux pour vivre enfin. Ils avaient choisi un mas solide, près d'un lac et d'une forêt de chênes, un havre ouvert aux amis et aux souvenirs.
Un jour, l'ombre bien connue de leur pire ennemi se présenta à leur porte, humblement.
L'émotion fut forte quand le couple retrouvé vit ce qu'ils ressentaient comme l'essence même du mal. Comment le recevoir ? Fallait-il livrer un dernier combat et succomber ainsi. Quelle belle fin ce serait.
Mais l'être de noirceur semblait bien frêle et bien chenu pour leur opposer une quelconque résistance. Quelle valeur y aurait-il à l'abattre ? Son corps marquait les stigmates du temps qui passe. Il venait jusqu'ici comme un voyager épuisé, quémandant un peu d'eau pour terminer son périple.
- Ne vous alarmez pas de ma venue, souffla alors le serviteur du mal. Nous avons tant combattu, depuis si longtemps. Nous avons appris à nous connaître sans nous parler. Nous ne sommes certes pas amis, mais de vieux opposants qui se respectaient malgré tout. C'est au nom de ces souvenirs communs, si douloureux furent-ils, que je vous implore de m'écouter à présent.
Le couple de héros se regarda un moment. La demande était fort inhabituelle. Leur concertation fut cependant brève et ils laissèrent entrer leur visiteur.
Les moments qui suivirent étaient inconcevables. Assis à la même tables, les ennemis étaient réunis. Ils étaient silencieux comme pour immortaliser cette rencontre, comme pour se recueillir, comme pour mesurer qu'ensuite, plus rien ne serait pareil.
L'ombre noire rompit ce silence :
- Je viens vous proposer d'en finir avec notre guerre. Vous m'avez combattu et vous avez alimenté le mal sans le vouloir. Je vous ai combattu et j'ai attisé votre courage et vos valeurs. Mais jamais aucun de nous n'est vraiment sorti vainqueur et toujours nous avons eu à regretter nos défaites. Nous y avons perdu bien des amis et des fidèles. Tout cela par vanité. Nous avons transmis notre haine à nos enfants et ils sont encore trop jeunes pour comprendre ce que nous avons appris. Je viens ici pour arrêter tout cela.
L'homme de bien sembler suspicieux :
- Ce sont là de nobles paroles. Elles sont étranges venant de votre part. Etonnantes. Quelles garanties avons-nous ? Comment vous croire ? Vous nous avez tendus tant de pièges...
- Je sais, coupa le visiteur. Je suis venu vous apporter ma pierre de pouvoir.
Il sortit de son manteau sombre une bourse de cuir. Une pierre noire se trouvait à l'intérieur. Elle semblait absorber la lumière environnante et déformait les objets autour d'elle.
- Je vous la laisse. Vous avez combattu pour elle. Vous savez ce qu'elle représente. C'est elle qui nous permet de lever nos innombrables armées. Je ne veux pas voir mes derniers fils périr.
Le couple était au comble de la surprise. Tant de morts depuis si longtemps pour en arriver là ! La conversation se poursuivit de longues heures et la confiance s'installa. Le serviteur du mal ne demandait nulle garantie pour sa pierre. Il savait qu'une fois convaincu, le couple serait de parole.
C'est à regret qu'ils se séparèrent à l'aube, la paix conclue.
L'ombre noire reprit alors le chemin du retour. Il était confiant. Il allait rejoindre son armée de serviteurs immortels à quelques heures d'ici. Il savait qu'il la congédierait et qu'il pourrait enfin se reposer.
Adrien en était à sa première sortie. Son oncle Darin lui avait appris les rudiments des attaques surprises et Adrien avait décidé de se dérouiller quelque peu. Mais il était resté bredouille toute la nuit et il s'en revenait chez lui, dépité, au petit matin.
C'est alors qu'il rencontra un vieillard, habillé de noir et qui, malgré son âge avancé marchait rapidement mais de façon quelque peu insouciante. Adrien n'eut guère de mal à l’occire d'un coup de poignard bien planté dans le dos.
Adrien fouilla le corps.
- Pfff... rien de rien... même pas de quoi habiller un épouvantail...
Il remarqua la bague ornée d'un motif en tête de mort. Il trancha le doigt du vieillard pour la récupérer plus facilement.
- Ah, quand même ! Bon, à part cela, il n'a que la peau sur les os. C'est à peine si j'en tirerai un bifteck ou deux. Bah, pas grave, il nourrira bien les chiens...
Au loin, l'armée des immortels avait bougé, inquiète pour son maître...

Par Serafel de Lys/Yoric le 27/2/2002 à 16:54:37 (#1035516)

*cloue a son siege*

Le combat

Par Ael D'Ombrelune le 27/2/2002 à 16:56:52 (#1035527)

Il y a des jours où tout semble aller de travers. Et finalement, non, en fait, ça va bien.
Ce matin là, le soleil pointait timidement ses rayons sur les plaines d'Althea. La rosée berçait doucement la végétation engourdie. Une légère brise caressait le réveil de la faune endormie. La vie diurne reprenait ses droits sur les angoisses et les dangers de la nuit.
Adrien aimait ses moments là. Il avait campé à la belle étoile, perché sur son arbre fétiche. Il s'y lovait souvent quand l'auberge familiale était trop bruyante. Il aimait contempler et ne penser à rien. Il souriait pour le plaisir de sourire et respirait pour se mémoriser ces instants précieux.
Une légère perturbation dans son monde si douillet vint à le tirer de ses songes. En bas, là, sur le chemin, un être de lumière approchait. Un grand séraphin aux ailes blanches. Son armure ciselée, aux motifs incrustés de pierreries, rehaussée d'or fin, soulignait la majesté de son port. Il portait une tunique immaculée, frappée d'un médaillon au motif d'une vouivre rouge. Son aura flattait les fougères et les herbes folles qui se courbaient à son passage. Sa démarche était noble et empreinte de sérénité.
De l'autre côté du chemin se présenta un autre personnage, non moins superbe. Un séraphin aux ailes noires. Lui aussi portait une armure, couleur de jai, si noire qu'elle en était bleue. Une grande cape de velours noir, bordée d'un liseré rouge profond, enveloppait ce grand seigneur, ajoutant au mystère le frisson d'une puissance cachée.
Tous deux portaient une épée si grande, si scintillante, au fil si aiguisé qu'elles en étaient presque irréelles. Des armes venues des Dieux très certainement.
Les deux chevaliers se faisaient face, juste en dessous de l'arbre, jaugeant leurs forces et tentant de découvrir une hypothétique faiblesse chez l'autre.
Le chevalier noir rompit leur silence :
- Il est temps d'en finir maintenant.
- Oui, c'est l'heure de vérité, répondit le séraphin blanc.
- Pour une fois, nous voici seuls, sans nos armées, sans nos généraux et magiciens.
- Sans traîtrise, sans politique ou diplomatie de quelque sorte. Par Artherk, il faut que nous sachions qui de nous est le plus valeureux.
- Qu'Ogrimar accompagne vos souffrances, messire, je serai le vainqueur. En garde !
Adrien, le cœur battant, le souffle court, ne perdait pas une miette du spectacle. Mais à force de tendre le cou pour mieux apprécier, il en oublia sa position et surtout qu'il n'était point un oiseau. Ce qui devait arriver arriva. Adrien tomba en plein milieu de la rencontre.
Les deux séraphins furent stupéfaits de ce providentiel atterrissage. Mais le comique de la situation ne leur échappa pas et ils se mirent à rire de bon cœur, tandis qu'Adrien se relevait tout penaud et surtout fort inquiet pour la suite de sa si jeune carrière. Les rires des chevaliers résonnèrent fort loin dans la campagne voisine, blessant l'âme d'Adrien plus profondément que l'avait fait la terre si dure sur son arrière train endolori.
- Que voilà une fort étrange apparition, s’esclaffa le séraphin blanc.
- Certes, on peut dire qu'il nous tombe du ciel, celui là. Et dire que nous ne nous attendions pas à avoir de témoin, répliqua le séraphin noir !
- Eh bien, justement, je pense que ce manant peut nous être utile, réfléchit alors le chevalier de lumière.
Il s'approcha d'Adrien.
- Dis-moi, petit bout de rien, sais-tu écrire ?
Adrien qui ne savait trop quoi répondre, hocha affirmativement de la tête, plus par réflexe de survie que par volonté de faire étalage de ses connaissances.
- Alors, prends donc ce parchemin et cette mine de charbon. Tu témoigneras de notre combat. Et si tes écrits nous satisfont, tu auras le loisir de vivre assez longtemps pour raconter nos exploits à tes arrières petits enfants.
- Excellent idée, reprit le chevalier de la nuit. Tu glorifieras ainsi Ogrimar par la victoire dont je lui ferai cadeau ! Maintenant, assez parlé, en garde !
Adrien se sentait bien mal. Certes, il connaissait les grandes lettres. Mais sa culture s'arrêtait bien en deçà des espérances des chevaliers. Adrien pensa cependant qu'il aurait été inopportun de souligner ce détail.
Le combat débuta.
Il fut magnifique, épique, impressionnant. Les mots les plus enthousiastes n'auraient pu décrire une telle férocité, une telle force, une telle volonté de vaincre. Les deux combattants maîtrisaient leur art. Les arabesques parfaites des armes prolongeaient les mouvements souples et précis des corps. Les deux protagonistes entamaient une danse mortelle, rythmée par le fracas et les étincelles azurées des lames.
Le combat dura longtemps. Le soleil poursuivit sa course et entamait sa descente vers un repos mérité. Les deux séraphins n'avaient rien perdu de leur hargne, ni de leur vitesse et encore moins de leur intensité.
Adrien griffonnait quelques signes de manière illisible, tremblant pour le sort qui lui serait réservé au terme de cet affrontement.
Il vint un moment, cependant, où le destin choisit son camp car il se lasse de l'équilibre. Le séraphin de lumière, par un mouvement parfait, trancha dans l'armure noire. Un flot de sang sombre gicla sur la tunique immaculée, aveuglant l'être de lumière. Le séraphin aux ailes noires, dans un dernier souffle, en profita pour porter un coup puissant, droit au cœur de son adversaire.
Mais le séraphin noir fut le premier à plier genou à terre et il s'effondra comme une statue se fracasse.
Le séraphin blanc s'écroula à son tour, retenant son sang d'une main tremblante. Il enleva son casque. Il contemplait le cadavre du séraphin noir avec un rictus de satisfaction.
Adrien avait la gorge sèche. Maintenant, c'était terminé, pour le combat... et sans doute pour lui. Cette certitude se confirma lorsque le séraphin blanc lui fit signe d'approcher.
- Petit, regarde dans mon sac, il y a une potion rouge à l'intérieur. Donne-la-moi, veux-tu. Elle me rendra toute ma force et ma vigueur.
- Tout de suite Monseigneur, répondit Adrien.
Il alla vers le sac et vit toutes les merveilles qui se trouvaient à l'intérieur.
- Presse-toi donc, petit vaurien, tu seras récompensé ! Artherk te bénira...
Adrien revint vers le séraphin. Il était si pâle, si affaibli par sa blessure. Adrien lui planta sa dague dans l’œil droit.
Adrien mit deux bonnes heures pour découper et faire disparaître les deux corps. Puis il prit tout ce qu'il pu.
C'est son oncle Darin qui allait être content.

L'héitage

Par Ael D'Ombrelune le 27/2/2002 à 17:00:37 (#1035542)

Quand la grand-mère d'Adrien est morte, des suites d'un banal empoisonnement aux champignons vénéneux, toute la famille fut inconsolable.
C'est que la matriarche emportait avec elle bien des secrets et en particulier, les plans des diverses cachettes de bas de laine dissimulés depuis des décennies.
Ce problème était bien embêtant en soi. Mais là n'était pas le plus grave. C'est que, suite à la promulgation d'un décret royal, les droits de succession étaient réduits à zéro quand la personne décédée avait atteint l'âge respectable de 80 ans. Or, Mamie avait rendu l'âme à 79 ans, 4 mois et 6 jours.
La famille rageait contre ce manque de chance certain et surtout de passer à côté d'une aubaine financière qui se montait quand même à plusieurs millions de pièces d'or. C'est que Mamie avait du bien tant à LightHaven qu'à WindHowl.
C'est sa fille, maman d'Adrien donc, forte femme aux formes généreuses et à la voix résonnante, qui réagit le plus promptement à la situation. Il ne fallait pas que cette mort soit rendue publique avant le prochain anniversaire de cette si chère Mamie.
Le mot d'ordre circula bien vite dans la famille et le silence se fit sur cette affaire. Il n'en restait pas moins qu'il fallait bien faire quelque chose du corps pendant encore près de huit mois.
L'Oncle Darin fut appelé à la rescousse. Il savait quoi faire d'habitude, dans ce genre de situation. On écarta bien vite la solution de plonger Mamie dans une barrique se saumure de la cave de l'auberge familiale. Il y avait bien trop de risques d'une erreur malheureuse de manipulation par une servante étourdie et, surtout, un risque de suspicion lors de la véritable mise en bière.
C'est Amanda, le plus jeune membre de la famille, qui trouva la solution idéale. Amanda, âgée de 6 ans, était la sœur d'Adrien. Comme quoi la vérité sort bien souvent de la bouche des enfants. Son idée était fort simple : prenant exemple sur ses poupées de son, elle demanda à ce que Mamie soit empaillée.
Toute la famille, même l'oncle Darin, trouva cette idée fort charmante et félicita la jeune surdouée pour son esprit si avisé. On se mit vite à l'ouvrage. Mamie fut bientôt vidée et remplie d'herbes et de fougères odorantes.
L'oncle Darin, grâce à son tour de main et ses petits secrets, parvint à rendre Mamie fort présentable, du moins assez pour que cette mascarade fut crédible le temps nécessaire.
On installa la pimpante Mamie dans sa chambre, au premier étage de l'hôtel. On la fit asseoir dans son fauteuil préféré, près de la fenêtre. En quelque sorte, c'était un hommage qu'on lui rendait là.
Tout se passa fort bien pendant les six premiers mois. Mamie se faisait très discrète et c'est à peine si on avait besoin de la parfumer chaque matin de la bouteille d'eau de rose qu'elle chérissait si fort.
Ce que n'avait pas remarqué la famille, c'est qu'Amanda, à cause de son jeune âge, n'avait pas tout à fait perçu ce que représentait la mort. Tous les soirs, elle rendait visite à sa mère grand, lui faisait un gros baiser sur la joue, s'asseyait à ses pieds et lui racontait ses malheurs quotidiens. La scène était fort charmante mais quelque peu surréaliste.
Un jour, on ne sait pas vraiment ce qui se passa dans la tête de cette jeune demoiselle. Toujours est-il, qu'au prix d'un gros effort, Amanda et son frère Adrien descendirent Mamie dans la grande salle de l'auberge, au soir tombant.
C'est qu'on était au printemps et les enfants savaient que Mamie aimait à méditer sous son marronnier fétiche, un peu à l'écart de la maison. Mais le poids de leur grand-mère eut raison de leur volonté de bien faire. Aussi, épuisés, ils abandonnèrent leur ancêtre sur un banc et coururent aller dérober quelque pot de miel dans la cuisine.
L'auberge était loin d'être vide ce soir là. On recevait les mineurs des montagnes voisines qui fêtaient leur paye dans des beuveries sans nom. Les vapeurs d’alcool imprégnaient déjà bon nombre d'esprits. Le petit orchestre local entreprit alors de faire connaître son répertoire de chansons à boire, comme l'on dit par chez nous.
La musique entraîne souvent la danse. Mais il n'y avait point beaucoup de femmes disponibles dans l'auberge. Aussi, l'un des mineurs, particulièrement atteint par les liqueurs, s'en prit à Mamie, qu'il commença à faire voltiger autour de lui, sous les vivats de ses collègues, non moins perturbés par un sang qui devait contenir bien plus d'alcool que de sérum. C'est que, ma foi, la bougresse dansait presque mieux dans son état présent qu'elle ne le faisait de son vivant.
Ce n'est qu'au bout d'un petit moment que la famille s’aperçut de la situation. On imagine sans mal la panique qui pouvait se lire alors sur le visage de la patronne. Et ce d'autant plus que la maréchaussée venait de faire son entrée dans la salle.
Mais le mal était fait. A force de tours et de gigotements excessifs, l'une des mains de la brave Mamie se désolidarisa et vint mourir, si l'on peut dire, dans le chaudron qui contenait le ragoût du soir. Mais personne ne s'en rendit compte alors.
La patronne parvint in extremis à récupérer la guillerette Mamie. Quand on pense que ce brave mineur voulait raccompagner sa charmante cavalière dans sa chambre, on en frémit d'épouvante.
Une fois le corps mis en sécurité et le défaut constaté, on se mit en quête de la main manquante, qui ne fut pas retrouvée, vous l'imaginez bien. Les recherches devaient rester discrètes et il fallait servir tous ces messieurs qui avaient fort faim.
Quant à Amandine et Adrien, reconnus coupables, ils furent punis de repas et filèrent dans leur chambre.
Epilogue :
arrivée au terme des huit mois, la famille dû se résoudre à maquiller encore le décès de leur chère grand-mère. L'enterrement devenu impossible, il fut convenu d'organiser un incendie dans lequel l'ancêtre devait périr. On choisit une petite cabane sans prétention. C'est ainsi que Mamie mourut deux fois mais aida bien mieux sa famille dans cette longue mort que durant tout son vivant.

Par Garou Willer le 27/2/2002 à 18:01:09 (#1035906)

Tres bonnes histoire, et tres noires...

Ce qui est fort c'est que l'on (ou du moins je...) arrive bien a imaginer la scene alors que le texte est relativement court.

Bravo.

Par Samira le 27/2/2002 à 20:56:47 (#1036854)

Oua, c'est magnifique, ma soeur les à lues, et m'as demandé de les imprimer pour lui lire au soirs :mdr:
J'en reviens toujours pas, c'est vraiment..... *n'as pas assez de mots pour le dire*

*tire son chapeau bien bas*

Par Kaelor le 27/2/2002 à 20:58:24 (#1036858)

*va les imprimer aussi pour les lire dans le lit :p*

Par Ansi de Keyl le 27/2/2002 à 21:01:08 (#1036872)

Woaw, ca fait beaucoup *aime bien les longues histoires*.

*Va les imprimer*

Mais y'a la queue à l'imprimante ! Kikoo Kaelor, kikoo Samira ;)

*Attend son tour avec impatience*

Par Ael D'Ombrelune le 27/2/2002 à 21:08:51 (#1036916)

Arf, vous pouvez pas savoir à quel point vos réactions me font plaisir. J'en ai le coeur tout guimauve :)

Ouais, ben, c'est quand même pas pour ça que je vais prendre la grosse tête, hein ? Comment ça, je l'avais déjà ? pffff... *boude*:bouffon:

Par Garou Willer le 27/2/2002 à 21:20:42 (#1036975)

Provient du message de Ael D'Ombrelune
Arf, vous pouvez pas savoir à quel point vos réactions me font plaisir. J'en ai le coeur tout guimauve :)

Ouais, ben, c'est quand même pas pour ça que je vais prendre la grosse tête, hein ? Comment ça, je l'avais déjà ? pffff... *boude*:bouffon:


Ouais, t'as raison et en tant qu'amis, je vais te dire que tout cela ne vaut pas un clou, que ca ne vaut rien mais rien du tout.

*voie sa tete qui deenfle, et une larme perler*

Nan, je deconne, et pis je sais pas faire le vrai mechant.:)

Par Razael le 27/2/2002 à 21:52:35 (#1037130)

Ael D'Ombrelune, ... un doux parfum ennivrant surgissant d'un marecage putride. Puis-je etre un jour en manque pour revenir dans ce lieu funeste chercher l'eclat qui fit de ce lieu un monde magique.

:merci:

Tiens, je les connaissais pas tous.

Par Lelf le 28/2/2002 à 2:12:36 (#1038004)

Brillant, exceptionnel. On s'attend jamais à ce qu'il va arriver :)

Et le demi-orc et Naoh c'est de la pure coincindence? :p Puis pauvre petite soeur du séraphin/veau :p :D

*S'en va lire els autres histoires d'Ael*

Par Lilith Vampyr le 28/2/2002 à 10:29:09 (#1038624)

*lit et relit encore avec plaisir ces écrits**doit se rendre à l'évidence**est amoureuse de ce sale gosse qu'est Adrien*

Ahhhhh Adrien :ange:

Merci Ael, sincerement... Si un jour tu es publié, viens nous le dire par pitié... Que j'achète le livre vite fait :)

Par Gaelin de Keyl le 28/2/2002 à 18:41:13 (#1040598)

Provient du message de Lilith Vampyr
Si un jour tu es publié, viens nous le dire par pitié... Que j'achète le livre vite fait :)



Tout pareil que lilith...

Par Scytale_ le 1/3/2002 à 23:40:14 (#1047194)

*remet le post sur la première page pour les retardataires*:D :D

Par RoadRunner le 2/3/2002 à 11:40:31 (#1048528)

bravo, c'est vraiment superbe!!!

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