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L'appel de la Dame ténèbres III : Le triomphe de la nuit éternelle

Par MortifeR le 19/1/2002 Ă  22:13:41 (#746262)

Ainsi son voyage l’avait amené ici. Aux frontières d’un royaume de mort blanche et de neiges éternelles, terrain de chasse du Wendol, le prédateur des glaces, là où personne n’avait osé s’aventurer depuis des siècles… Pourtant, l’appel de la Dame ténèbres résonnait à travers ces montagnes mortifères. Pourtant, le chemin de la Rédemption l’avait conduit face à ces étendues balayées par le vent glacé qui seul avait su traverser les âges en ce lieu oublié des dieux.

Au-delà de la mort, vers le mausolée de la mangeuse d’espoir.
Quelque part au sein de ce labyrinthe de roches écharpées, gisait celle qui ne mourrait pas, celle qui dormait dans la lame de nuit, inspirant aux hommes d’indicibles cauchemars. Par sa voix spectrale et millénaire résonnait l’appel impérieux du meurtre et du sang. Pourtant, l’empreinte indélébile de la douleur avait ouvert les yeux de l’albinos sur l’atrocité de sa condition : Il ne détruirait les ombres que par le pouvoir suprême de cet horreur sans-âge, celle dont seule la soif de destruction saurait lui montrer la voie vers la lumière.

Mais là où des légions ennemies avait échoué, c’est la reine blafarde, seule souveraine en ces terres, qui eut raison de l’armée de l’albinos. Et l’énergie qui animait les revenants se dissipa, comme emportée par le vent cinglant qui desséchait la chair et brûlait les yeux. Bientôt, au bas du dernier col, Mortifer se trouva seul, évoluant à demi courbé dans l’épais manteau de neige qui engourdirait ses membres jusqu'à ce qu’il rejoigne son armée de monstres putrides dans le sol. Ici, l’air semblait doué d’une volonté propre, courrant entre les pics et les vallées, arrachant aux pentes enneigées des souffles glacés pour les jeter sur le visage crevassé de l’albinos.

Quand il parvint au sommet, ses mains avaient pris une teinte violacée, signe évident qu’elles étaient toutes deux mortes. Ses joues et ses lèvres étaient fendues en de nombreux endroits, laissant couler sur son visage blême de longs filets de sang, aussitôt gelés.

Mais face à lui, enroulé d’un linceul maladif, le mausolée, objet de sa quête. Au milieu des terres sans vie se dressait une tour sombre, un phare attirant les fous vers la mort. A son sommet des gargouilles aux allures démoniaques se faisaient les gardiens silencieux du secret monstrueux qui dormait dans les entrailles de la montagne. Au-dessus du porche étaient gravées des inscriptions runiques à la signification oubliée, déclarant vraisemblablement à quiconque assez dément pour se rendre jusqu’ici que se serait son dernier voyage.

Les yeux de l’albinos commençaient à geler, eux aussi, et sa vision se faisait moins précise, aussi floue que son esprit accablé par la douleur d’habiter un corps à demi vaincu par le froid. Ses mains croisées sur sa poitrine, il utilisa ses dernières forces pour passer le seuil fendu par le gel. Il perdit l’équilibre un instant, et failli agripper les pierres noires… mais il se ravisa, avec la désagréable sensation que ses doigts se briseraient comme du verre s’ils heurtaient quoi que ce soit.

L’albinos se trouvait donc en haut d’un étroit escalier en colimaçon, dont la perspective se noyait dans les ténèbres, à mesure que les marches s’enfonçaient dans d’insondables abysses. La décente lui parut interminable. Marche par marche, il s’engouffra parmis les ombres, tremblant de froid, torturé par la morsure de l’air glacé. Il avait pris l’habitude de se diriger sans ses yeux. Aussi put-il surmonter l’obscurité totale, et parvenu dans les entrailles du mausolée, il sut qu’on l’avait trompé… cet endroit était bien une tombe, mais elle ne contenait plus que quelques cadavres tombant en poussière. Par un sombre prodige, la Dame ténèbres était déjà partie.

Tout en boitant, il se dirigea alors vers ce qui lui semblait être le fond de l’unique caveau des lieux. Le long des murs étaient entassés les restes de ceux qui avaient répondu à l’appel avant l’albinos. Et face à lui, un tombeau aux dimensions formidables, entièrement recouvert de symboles runiques et d’inscriptions démoniaques, destinées à maintenir l’âme du monstre au sein de la nuit éternelle de cette crypte nauséabonde.

Comme si ses yeux pouvaient le voir, il contempla l’imposant couvercle du sarcophage, brisé, et jeté à terre. Et comme si ses yeux avaient pu le voir, il réalisa qu’on l’avait devancé et qu’on avait volé la mangeuse d’espoir…

Ou peut être était ce le dessein diabolique du spectre dans l’acier… dès le début. Peut être l’avait-elle attiré ici, le laissant semer sur son chemin chaos et mort, pour qu’il vienne mourir ici, au bout de sa sanglante route.
Il eut envie de rire. Quelle importance cela pouvait-il avoir ? Il était perdu désormais. Tout était fini. Il s’était battu contre la volonté des dieux, et avait perdu, comme il le craignait depuis si longtemps. Il réalisa que l’espoir ne l’avait jamais quitté, et il maudit cette naïveté. Mais à présent, il était si doux de se laisser aller à cette conscience nihiliste de l’ineptie de son combat ridicule. Il tomba à genoux, à bout de force. Tout ce temps, sa haine l’avait maintenu en vie, et il avait poursuivi l’objectif chimérique de pouvoir vivre et mourir comme un homme. Simplement comme un homme.

Il laissa les ténèbres l’envahir, mourant peu à peu avec son désir d’aimer, et le regret de savoir en vie ceux qui auraient dû périr de sa main. Il tomba sur le flanc, anéanti par le remord, et laissa son souffle s’éteindre.

Autour de lui, les ombres se murent, exécutant leur balai fantomatique en hommage à celui qu’elles n’avaient jamais quitté. Et, déchirant un instant le mince voile de la réalité, elles le déposèrent dans le palais des murmures, où elles pourraient garder sa dépouille.
Pour l’éternité il se tiendrait sur le trône de marbre, son corps indestructible effaçant les marques de la souffrance, jusqu'à ce que l’esprit rejoigne la chair à nouveau.

N'est pas mort ce qui gît à jamais...

Par Caithness le 19/1/2002 Ă  22:20:37 (#746302)

*souffle coupé*

Par Balkis le 19/1/2002 Ă  22:24:39 (#746318)

(Vraiment très beau)

(quoique c'est quand triste :sanglote:)

Par Nayah le 19/1/2002 Ă  23:33:01 (#746764)

*superbe*
*est ce toujours a l'aurore d une vie que se révèle les talents ?*

*se dit qu'il faut vite rencontrer les grandes ames avant qu'elles partent*

Nayah *qui mesure peu a peu la perte et la déchéance du monde dans lequel elle essaie de survivre* Asutra

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