La Trève...

Par Faruun le 16/1/2002 à 15:19:06 (#725910)

Ses poumons allaient exploser. Il courait à en perdre haleine, tentant désespéremment de semer les gardes à ses trousses. Derrière lui résonnaient les cris et les pas lourds des hommes d'armes, des cotés, il lui semblait entendre d'autres voix qui leur faisaient échos, comme si l'étau se resserrait sur sa proie. Si seulement cet ivrogne ne l'avait pas remarqué et appelé la garde! Il se maudit intérieurement de s'être laissé aller à tant de négligence. Une ruelle, une autre, et toujours ses poursuivants se rapprochaient. Les voix venaient de tout coté, à présent. S'arrêtant pour reprendre son souffle, son regard fit rapidement le tour de la ruelle alors que ses épaules s'affaissaient. Il ne pouvait plus fuir à présent, il ne voyait aucune issue...

C'est alors qu'une main ferme surgit de l'ombre et l'attira dans un recoin qu'il n'avait pas remarqué jusqu'alors.

- Scchhhh... Pas un mot, pas un bruit...

L'homme était visiblement agé, mais de bonne stature comme le démontrait la poigne avec laquelle il l'avait agrippé. Dans la pénombre, on pouvait deviner les traits durs et usés de son visage, malgré l'épais bandeau qui recouvrait ses yeux. Un aveugle, un mendiant sans aucun doute. Il l'avait poussé dans le recoin, et lui intima d'un geste de se tapir dans l'ombre, tandis qu'il prenait place devant, en se recouvrant d'une longue cape. Et bientôt les pas des gardes résonnèrent dans la ruelle.

Il tentat de se faire le plus discret possible, retenant son souffle alors que les gardes avancaient vers l'aveugle. Il ne distinguait plus rien que la cape sombre de son mystèrieux sauveur. Ce dernier, réagissant au bruit des pas, agitait son écuelle et les quelques pièces qui trainaient à l'intérieur en direction des gardes.

- L'aumône mes bons sires, l'aumône pour un vieil aveugle.
- Toi là, as tu entendu un homme passer récemment?
- Non mon bon sire, nul n'est venu egayer mon obole...

Il fit tinter une fois de plus les pièces dans son écuelle. Les gardes n'étaient pas partis, et fouillaient vraisemblablement du regard la petite rue. Enfin, le garde jeta une pièce à l'aveugle, avant de faire signes aux autres de reprendre la recherche.

- Sélène en soit loué, merci monseigneur.

L'homme attendit que les bruits de pas s'éloignent avant de se retourner.

- Tu peux sortir à présent, ils doivent être partis te chercher plus loin.
- Merci, je ne sais comment vous remercier... Je...
- Ne me remercie pas, remercie la plutôt d'avoir veillé sur toi cette nuit. Je ne sais ce que tu as fais ou pourquoi tu es recherché, et je ne veux point le savoir. C'est la Trève, en cela tu as droit comme tous à la protection et le silence pour la nuit. Va à présent, et puisse son voile te couvrir.

L'homme ramassa rapidement ses affaires, et ce n'est qu'alors qu'il remarqua l'arc et le carquois qui étaient cachés là sous l'épais manteau. Il s'arrêta un instant, se demandant pourquoi un aveugle pouvait bien posséder une telle arme, mais se ravisa avant de poser la question. C'était la Trève, et il valait sans doute mieux pour lui comme pour son sauveur qu'aucune question ne trouble le silence. Alors qu'il se préparait à partir, l'aveugle, du moins celui qu'il voyait comme tel, le salua d'un mouvement de tête avant de disparaitre dans les ténèbres.