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La mangeuse d'espoir
Par MortifeR le 30/10/2001 à 22:48:00 (#361134)
C'était un individu d'âge mûr, au teint blafard et au regard fixe. Il était affalé contre un arbre, sans autre blessure apparente qu'une profonde entaille qui lui barrait la main droite.
Rien de fatal pour un homme de sa constitution cependant, je puis l'affirmer.
Malgré tout, face à son absence de réaction, je décidai de l'apporter au temple, avec l'aide des autres prêtres. Là nous comptions lui prodiguer les soins nécessaires à un prompt rétablissement.
C'est à partir de ce moment que nous avons commencé à comprendre l'ampleur de son mal.
Tout d'abord, nous avons pansé sa plaie, en l'ayant préalablement enduite des onguents les plus efficaces.
Je dois avouer que ce malade, malgré la compassion que j'éprouvais pour lui, m'a fait peur. Il ne m'a parlé qu'une fois, et n'a pu articuler qu'un simple murmure, comme quelqu'un qui devait fournir un effort surhumain pour rester en vie.
Comme je l'ai dit, sa blessure était bénigne. Pourtant, les jours suivants confirmèrent mon sombre pressentiment. Quelle qu'était cette plaie, elle refusait de cicatriser, et l'homme se vidait lentement de son sang. Pire encore, il semblait incapable de se mouvoir, de plus en plus faible alors que les heures passaient. Ce n'était pas à cause de la perte de sang cela dit. On eût plutôt dit qu'il n'avait plus la volonté d'ouvrir les yeux.
Parfois, alors que je changeais ses bandages, et venais prier pour lui, il parvenait à tourner ses yeux vers moi, et sa bouche se tordait en un léger sourire reconnaissant. Puis, il s'endormait, comme épuisé de son effort.
Ce matin, en venant le nourrir, je l'ai vu, le regard fixe observant le plafond, et sa poitrine ne bougeait plus.
Il ne respirait plus, mais je pouvais voir ses pupilles se dilater encore, alors qu'il m'observait, impuissant, prisonnier de son corps qui refusait de continuer à vivre. Puis son cur trop longtemps privé d'air a finalement cessé de battre, sans que nous ayons pu l'aider.
Je ne peux dissimuler mon effroi face à ce qui est arrivé à ce pauvre homme. Qu'Artherk veille sur son âme !
Je vais m'étendre et essayer de dormir à présent, mais je sais qu'à peine mes paupières closes, c'est son visage résigné que je verrai, celui de quelqu'un qui attend patiemment la mort, et l'invite à l'emporter.
Je ne peux m'empêcher de penser que cela a un rapport avec cette étrange blessure sur sa main. J'espère pouvoir obtenir des réponses...
Et ces mots qu'il prononçait dans un souffle, comme un avertissement trop lourd de menaces pour être proféré à haute voix...
"La mangeuse d'espoir..."
Elle enverrait ce pli aux plus érudits de ces frères, eux sauraient la vérité.
La prêtresse reposa sa plume d'une main tremblante, partiellement soulagée d'avoir fixé ses peurs sur ce parchemin. Puis elle défit ses longs cheveux d'un geste hésitant, les yeux braqués sur sa fenêtre derrière laquelle la nuit dissimulait d'innommables secrets.
Enfin, elle s'allongea sur sa sobre couche, s'abandonnant aux démons qui rugissaient aux portes de ses rêves...
Par Osgaroth le 30/10/2001 à 23:38:00 (#361135)
Par MortifeR le 31/10/2001 à 21:58:00 (#361136)
Par Conrad McLeod le 1/11/2001 à 0:26:00 (#361137)
Par Nieve le 1/11/2001 à 0:45:00 (#361138)
Par La Marmotte le 1/11/2001 à 17:41:00 (#361139)
Par La Marmotte le 2/11/2001 à 20:09:00 (#361140)
Par mamana le 3/11/2001 à 3:17:00 (#361141)
oui
Par MortifeR le 5/11/2001 à 5:43:00 (#361142)
Le parchemin tomba sur le sol du temple en virevoltant. Le frère Thorkas passa ses mains tremblantes sur son front fiévreux, et s'effondra sans grâce sur un des bancs du sanctuaire, le regard fixe.
Il n'aurait jamais pensé revoir ce nom quelque part. Même dans ses pires cauchemars. La lecture du pli de Moonrock ne laissait planer aucun doute cependant. La mangeuse d'espoir...la promise du démon s'était à nouveau hissée hors du gouffre intemporel de l'horreur pour hanter les mortels.
La mangeuse d'espoir...ces mots résonnaient encore dans sa tête, comme un son de cloche sinistre annonçant l'avènement d'une monstruosité ancestrale.
Les autres prêtres se précipitèrent vers leur frère, inquiet de le voir si bouleversé.
Thorkas les regarda tour à tour, les yeux exorbités et injectés de sang. Qu'est ce qui pouvait bien terrifier un serviteur du grand Artherk dans le temple même de la bienveillante divinité ? Les prêtres échangèrent des regards interrogateurs, alors qu'ils tentaient d'obtenir une réponse à cette question qui assaillait leurs esprits confus.
Thorkas Jetait des coups dil affolés aux murs immaculés du temple, aux enfants qui jouaient sous le porche, comme s'il devait se persuader qu'il était bien en sécurité par ce bel après midi d'automne et auprès de son dieu bien aimé.
La main crispée sur son talisman, il finit par retrouver son calme.
C'est alors qu'il s'adressa, le souffle court, aux jeunes prêtres qui s'afféraient autour de lui.
"Je vais bien, je vais bien mes frères, ne craignez rien...
Mais je dois vous raconter une histoire, avant qu'elle ne meure avec moi et ne se perde dans l'abîme du temps...
Cette légende me fut contée lors de mon apprentissage des préceptes d'Artherk, il y a fort longtemps, et j'étais à l'époque aussi jeune et fort que vous l'êtes aujourd'hui.
C'est mon vieux maître, le frère Daïssel qui nous dévoila ce que tout le monde croyait être un conte pour effrayer les enfants que nous étions alors.
Il était très sage et extrêmement docte, qu'Artherk garde son âme...Il est mort bien avant que notre bon maître ne le rappelle à lui. Et c'est un soir de pleine lune qu'il nous apporta son savoir...
Il y a bien longtemps, racontait-il, vivait une jeune femme d'une beauté inconcevable, et d'une grande vertu. On dit qu'elle était si belle qu'une seule de ses paroles faisait perdre le goût de la guerre aux hommes d'armes, et rendait les criminels honnêtes. son nom s'est perdu dans les cendres du temps qui passe, et rares sont ceux qui connaissent encore cette histoire.
Toujours est-il qu'elle était aimée de tous. Et plus particulièrement d'un jeune poète, qu'elle adorait elle-même plus que tout.
Mais il est des forces qui ne sont que pour détruire le bonheur et souiller la pureté...et Ogrimar, l'infâme seigneur de la haine, pourtant si indifférent aux affaires des hommes en temps normal, s'éprit lui-même de la jeune femme.
Il jura qu'un jour elle le servirait, quoi qu'il advienne, car sa bonté et sa piété était une injure à son culte maudit.
Aussi envoya t-il ses serviteurs fous commettre le plus odieux des sacrilèges. Le jour même du mariage de la jeune femme, des proches vendus aux ombres assassinèrent le futur époux et une bonne partie de lassistance. Quant à la garde, un autre traître les conduisit sur une fausse piste pour couvrir le massacre.
La belle jeune fille, elle, fut épargnée à desseinelle ne prononça plus un mot après les meurtres. Elle se laissa lentement dépérir, et passa de longues journées cloîtrée dans sa chambreà attendre que la mort lemporte. Les sorciers et alchimistes de tout le royaume se succédèrent à son chevet, sans résultat. Et, un beau jour dété, elle finit par rendre lâme, elle mourut de désespoir. Il est dit que le soleil disparu alors et quil se mit à pleuvoir du sang sur Goldmoon. Les sujets du royaume se pressèrent pendant des jours aux portes de sa demeure pour déposer des fleurs et adresser des louanges. Mais les fleurs se fanèrent, et les souvenirs aussi
Longtemps on nentendit plus parler de cette femme, qui fut un miracle dArtherk. Mais les paysans superstitieux racontent encore quon la voyait roder sur les remparts les nuits de pleine lune, et quon pouvait entendre ses pleurs. Un seul de ses regards avait, disait-on, pour effet danéantir la volonté de la victime, et un seul de ses baisers celui de détruire lespoir même qui nous habite, rongeant jusqu'au désir de vivre. Aujourdhui encore, si vous leur demandez, ils vous décriront son visage blême et sa robe maculée de sang. Bien sûr, cette histoire fut tout dabord considérée comme faisant partie du folklore extravagant du petit peuple.
Mon maître Daïssel fut cependant chargé denquêter sur cette affaire, et moi, en tant que son disciple, je dus lassister dans sa dernière enquête. Ce nétait, je le compris plus tard, que pure folie.
En effet, la chose était bien réelle. Et cette sombre nuit dhiver restera pour le reste de ma vie le moment où je sentis ma foi vaciller. Je perdis mon maître dans les brumes du désespoir, et je faillis perdre mon âme
Voilà pourquoi je ne suis jamais sorti de ce temple et que je nen sortirai jamaisjamais.
Car la peur rôde dans les brumes sans âge
La mangeuse despoir y attend ses mille amants
[ 05 novembre 2001: Message édité par : MortifeR ]
Par methy le 5/11/2001 à 11:21:00 (#361143)
Par Osgaroth le 5/11/2001 à 15:31:00 (#361144)
Par MortifeR le 5/11/2001 à 22:51:00 (#361145)
oui oui, j'ai honte :p
Par Lord Gabriel le 5/11/2001 à 23:14:00 (#361146)
Par MortifeR le 12/11/2001 à 6:57:00 (#361147)
Le forgeron s'afférait sur la lame. Une lame comme il n'en avait jamais vu. Magique sans aucun doute. Il lui faudrait la finir avant les dernières lueurs du jour, ou alors il reviendrait, et il s'en prendrait à sa famille.
Tout en martelant l'acier, comme il l'avait fait tout le jour, le forgeron eut un frisson de terreur. Il les tuerait de toute façon...
puis il se reprit : s'il y avait une façon d'empêcher qu'il ne les mette à mort tout trois, c'était sans aucun doute de lui fournir ce qu'il voulait. Et il avait réclamé qu'on modifie sa lame millénaire, qu'on y fixe cette grande mèche de cheveux blonds, au parfum si envoûtant, et qu'on frappe le métal pendant tout un jour après là pleine lune.
Ainsi avait fait le forgeron. Et maintenant, alors que les ombres recouvraient les champs d'un linceul aveugle, il pouvait entendre les battements d'ailes lents et réguliers de l'être de nuit, venu chercher son dû.
Puis, son souffle puissant et maléfique vint caresser la nuque du forgeron. La lame était enfin finie, les dieux en soient loués. Et elle reposait maintenant sur l'enclume, encore incandescente.
Tu as bien travaillé, vieil homme.
Le forgeron n'osa pas se retourner, la voix était calme et douce, bien que sombre et profonde comme une tombe. Il ne pouvait plus prononcer un mot, sachant qu'il se trouvait à quelques pieds de là, dissimulant son regard pourpre et son teint morbide sous un manteau d'ombres vivantes.
Voilà l'épée, maintenant partez, sire, je vous en conjure...partez..Fit le vieux forgeron, sanglotant malgré sa force.
Pas encore, Fit-il,Je dois d'abord terminer la lame, achever le rituel.
Je vous en conjure, dévoilez moi la fin du rituel, qu'on en finisse...Le forgeron n'y tenait plus. Il se mit à trembler, alors que les larmes inondaient les rides de son visage crevassé par les années de labeurs.
Et bien soit, si tu y tiens tant...La lame sera trempée dans le sang des innocents, pour apaiser les éternels tourments de la mangeuse d'espoir.
Une des larmes du forgeron coula le long de son menton et vint se vaporiser sur le métal chauffé à blanc.
Il comprit : la dernière partie du rituel c'était lui, sa compagne, et ses enfants. C'était leur sang.
[ 20 novembre 2001: Message édité par : MortifeR ]
Par Red-Eye le 12/11/2001 à 13:50:00 (#361148)
:D :D
Y'a une suite?
Par Osgaroth le 12/11/2001 à 17:51:00 (#361149)
Par MortifeR le 12/11/2001 à 19:24:00 (#361150)
Par Osgaroth le 19/11/2001 à 21:50:00 (#361151)
La lumière de la lune filtrait à peine à travers les volets sombres, éclairant le beau visage de la jeune femme. Un beau visage troublé par un cauchemar. Le long voile blanc qui passait et repassait devant elle telle une interminable traîne de robe, on aurait dit une robe de mariée, un peu comme celle quelle portait le jour de la cérémonie. Mais ce ne semblait pas être la sienne, celle-ci était plus transparente et plus sombre en même temps. Il y avait quelque chose derrière, une espèce de bête féroce, ou bien tout simplement une petite fille, elle était incapable de discerner vraiment, hormis les yeux qui brillaient à travers le voile. Des yeux noirs et intenses qui viraient au rouge, avant de séteindre dans un cycle sempiternel. Une larme se formait alors sans quelle puisse savoir doù elle provenait, elle coulait le long du voile et sévasait tel un bras de mer en arrivant au bas de la robe, prêt à se jeter dans un océan imaginaire. Le voile faisait mine de se soulever comme poussé par un vent irréel, elle apercevait une femme aux cheveux clairs, qui disparaissait aussitôt dans un cri de douleur ou de rage, un cri strident qui évoquait la mort et la désolation, un cri qui résonnait partout contre les cavités des montagnes qui sortaient de terre partout alentour. Un écho sans fin qui se répercutait de proche en proche, qui emplissait lair tel un raz-de-marée gigantesque, qui ne séteindrait quau crépuscule de sa vie. Cest ce quil disait, elle ne le comprenait pas. Elle avait peur, non elle avait mal. Les montagnes se resserraient, loppressaient, le bruit était sans cesse plus proche, plus violent, il ny avait aucun moyen de séchapper. Et elle glissait vers le centre, elle courait le plus vite quelle pouvait pour remonter la pente, mais inlassablement la pente raidissait et elle glissait. Ses yeux se reportaient vers le point quelle ne manquerait pas datteindre si cela continuait ainsi et elle la voyait, la jeune femme au regard étrange, sa longue mèche blonde recouvrant partiellement son visage. Elle était là devant un gouffre sans fond, un objet brillant à la main, la bouche ouverte semblant à la fois avaler et alimenter le cri de désespoir qui régnait en ces lieux.
Elle se tournait en tous sens dans sa couche, les poings serrés, les lèvres crispées. Debout à côté du lit, son époux la regardait sans la voir. Peut-être allait-il devoir sen séparer. En pensant cela, ses yeux se posèrent sur sa femme, si douce et si fragile. Un grand non retentit au fond de son âme. Sen séparer oui, mais pas delle. Se séparer de celle qui obnubilait ses pensées, de celle qui hantait ses nuits comme ses jours, de celle qui lempêchait de dormir, de celle qui prenait de le contrôle de son esprit à petit feu. Trois jours maintenant que le mendiant lavait supplié de la prendre avec lui, de la chérir et de la protéger. Elle était si belle, elle aussi, plus belle que sa femme même, plus majestueuse aussi. Elle semblait si vivante et si mystérieuse. Il navait pas hésité une seconde. Il lavait conduit lentement, jusquà chez lui. Cette grande maison que le père de son père avait bâti à la sueur de son front, ils avaient franchi son seuil ensemble. Ils avaient grimpé le long escalier en colimaçon qui menait au grenier. Là il lavait admiré pendant quelques instants, ou pendant des heures il nen savait rien. Elle devrait rester ici, au grenier. Il nétait pas question que son cher bambin lapproche. Pourquoi accompagnait elle ce mendiant, il nen savait rien et cela lui importait peu, celui-ci avait juste eu peur dêtre aperçu en sa compagnie, alors il sen était débarrassé au plus vite. Cétait pour cela aussi quil voulait quelle se cache dans le grenier. Elle était peut-être recherchée, mais il nétait pas question quelle parte, tout du moins pas sans quil lait décidé. Le bruit de leau tombant dans le petit seau le fit sursauter. Il se retourna, sans comprendre. Il pensait avoir réparé le toit et il ne pleuvait même pas. Sans même regarder le contenu du seau, il avait compris que ce nétait pas de leau quil y trouverait. Son fils était monté pour la première fois au grenier, il avait compris comment ouvrir la porte, à mois quelle ne lait fait pour lui. Sa femme ne sen remettrait pas, jamais. Elle ne comprendrait pas. Il se dirigea lentement jusquau grenier, il retira la lame de la main de lenfant et redescendit prêt à épargner à sa femme la douleur de la perte de son fils.
Par MortifeR le 20/11/2001 à 5:29:00 (#361152)
Maintenant me viennent d'autres idées pour mettre en scène les tribulations de l'épée ;)...
[ 20 novembre 2001: Message édité parce que MortifeR a du mal à écrire 3 mots sans fautes]
[ 20 novembre 2001: Message édité par : MortifeR ]
Par darkypl le 20/11/2001 à 6:03:00 (#361153)
Par MortifeR le 20/11/2001 à 7:37:00 (#361154)
Un autre loup émit un long hurlement, finissant dans un râle grotesque et presque pathétique, s'il n'avait pas été annonciateur d'une mort prochaine pour le petit homme aux courtes jambes.
Ce dernier balança son ventre de plus belle alors que des formes grises et confuses dévoilaient leurs crocs jaunâtres à quelques centaines de pas de là.
Les yeux à demi clos l'homme scrutait les environs à la recherche d'une lueur, d'un feu qui lui signalerait la présence d'une habitation.
C'est alors qu'il vit se découper sur le ciel nocturne une forme trop parfaite pour être un bosquet d'arbres ou une masse rocheuse. Le toit d'une maison ! Un espoir incertain naquit dans son esprit étreint par la peur.
Pas de lumières vacillant à la fenêtre, pas de voix vibrant à l'intérieur, pas même la clarté rassurante d'un foyer. Une grande maison, simple mais belle, une de ces maisons faites à la sueur des fronts, et où les familles vivent et meurent générations après générations...
C'était sa seule chance, les loups se faisaient plus audacieux...
Il ne prit pas le temps de frapper. Il avait pour habitude de faire comme il l'entendait, et son aplomb naturel, une bénédiction de Iago, l'avait déjà secouru de situations plus embarrassantes.
Personne ne poussa de cri alors qu'il s'engouffrait dans la demeure et refermait violemment la porte sur la nuit prédatrice, pourtant.
Il repoussa le verrou, et poussa un long soupir.
C'est alors qu'il prit conscience de l'odeur abominable qui régnait en ces lieux.
Une odeur de charogne, si intense qu'il du utiliser toute sa volonté pour ne pas ressortir aussi vite qu'il était entré.
Il couvrit sa bouche d'un mouchoir de dentelle. Il devrait passer la nuit ici, quoi qu'il advienne. Dehors c'était la mort qui l'attendait.
Peu à peu, l'angoisse émergea de l'abîme inconscient où il l'avait refoulé trop longtemps : et qu'est ce qui se cachait, dans cette grande maison où rien ne bougeait, et que seules les ombres habitaient ?
Plus que l'odeur de mort, il pouvait sentir le mal, comme s'il suintait des murs.
Pourtant, il se mit à avancer, malgré la terreur que lui inspirait l'idée même de briser le silence sinistre qui régnait. Lentement, le plancher de bois se mit à craquer, à chaque fois que l'homme grassouillet y posait ses pieds malhabiles.
Sans qu'il ne puisse expliquer pourquoi, ses pas l'entraînèrent dans cette chambre, où il n'avait aucune envie d'aller. Mais quelque chose l'appelait, quelque chose d'infiniment plus puissant que son esprit cupide et étroit.
Il pénétra dans la pièce et l'odeur devint insupportable, si bien qu'à peine entré, il s'appuya sur le montant de la porte pour rendre le déjeuner si dispendieux qu'il s'était offert à la taverne.
Alors, il vit :
Sur le lit était étendue une femme, morte. Si elle avait été belle, c'était avant que le lent mais inéluctable processus de putréfaction ne fasse son oeuvre. On avait voulu la faire souffrir, ou alors, on avait voulu l'assassiner sans pour autant se résoudre à la frapper mortellement. Sa poitrine et son ventre étaient lacérés, sans qu'on ne puisse dire avec certitude si c'était là luvre des nécrophages où celle d'un meurtrier dément.
Et ses yeux, ses yeux desséchés au fond de leurs orbites devenus trop grands fixaient le plafond, alors que la bouche à peine déformée laissait supposer qu'elle n'avait même pas hurlé...
Le marchand vomit à nouveau, à la vue du lit dont les draps étaient entièrement rougis et raidis par le sang séché.
Ses genoux tremblaient et menaçaient de ne plus le porter. Il aurait voulu s'évanouir, mais une force impérieuse, une présence terrifiante le poussait encore en avant, le long du couloir interminable, vers le grand escalier en colimaçon...
Là haut, un enfant, lui aussi ravagé par les lents sévices que la mort inflige à ses conquêtes.
Tout autour de lui, le sol avait pris la couleur brune du sang séché. L'unique blessure, quant à elle, était toujours purulente et sanguinolente, comme si elle n'avait pas pu se refermer. Le gros homme contourna prudemment la charogne, écartant du bout des pieds les rats et la vermine qui se délectaient de ce banquet aussi inattendu qu'opulent.
L'appel s'amplifiait, sensuel, fantomatique et terrifiant.
Dans la dernière salle du grenier, un homme était assis sur le sol gorgé de sang. Il tenait entre ses jambes une immense épée aux reflets d'ébène. Au centre de la large lame, des runes oubliées luisaient d'un pourpre malsain, à un rythme hypnotique, comme si elles avaient été gravées par un filet de lave encore incandescent.
L'homme la tenait entre ses bras squelettiques, ses yeux fous perdus dans la contemplation de la lame à l'aura si malsaine. Il n'avait manifestement pas mangé depuis des jours entiers, et était mourrant. Il se balançait d'avant en arrière, les mains crispées sur le pommeau orné de cette étrange mèche blonde, sans même faire attention au marchand.
Ce dernier ne pouvait pas plus quitter la longue et majestueuse arme des yeux. Il laissa tomber son coffret d'or pour lequel il aurait laissé les loups le dévorer quelques temps auparavant.
Puis il sortit une dague de sa manche, alors que la lueur rouge de l'épée se reflétait régulièrement dans ses yeux fiévreux...
Il n'avait jamais rien vu d'aussi beau. Sa valeur marchande était incalculable...oui, elle serait sa plus belle pièce...
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