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Retour à Trandling - 8ème partie
Par Galadorn le 10/10/2001 Ã 23:03:00 (#349102)
Index
Bientôt un cavalier apparait sur la route, galopant à bride abattue vers la rivière. Arrivé au niveau du pont, il passe les gardes sans ralentir l'allure de sa monture, et gravit la pente pour mettre pied à terre devant le baron de Lutri. L'homme porte des vêtements couleur de terre, et ses cheveux mi-longs, noirs comme la nuit, sont ébourrifés par sa longue course.
"- Seigneur Heyron, les légions sont à trois heures de notre position. Contrairement à nos espoirs, leur armée est restée très compacte, et ce malgré le fait qu'ils nous poursuivent depuis plusieurs jours."
Le noble incline la tête. Les morts vivants se déplacent lentement, mais jamais leur progression ne s'arrêtent. Ils ne ressentent nulle fatigue, n'éprouvent nul besoin de se nourrir, et le jour comme la nuit ils avancent du même pas égal. C'est la raison pour laquelle sans obstacles naturels, les légions rattrapent fatalement toutes les formations qu'elles poursuivent, et pourquoi le stratège a choisi ce lieu pour son volte-face, avant que son armée ne soit trop épuisée pour se défendre.
"J'ai apercu également plusieurs guerriers cuirassés de noir chevauchant parmi eux, mais je n'ai aucune idée de qui cela peut être."
L'attente... L'attente avant une bataille a un goût indéfinissable, un moment dans le temps où les plans ont été mis au point, les ordres ont été données, un instant figé qui précède la frénésie et la violence des combats. L'esprit est alors libre de vagabonder, de se disperser en multiples regrets ou questions improbables. C'est pendant cette période de calme avant la tempête que les pensées se tournent vers les proches, laissés à l'abri ou déjà morts, et que le doute, l'incertitude se frayent un chemin dans les coeurs.
Quelques vétérans se sont assoupis à même l'herbe, profitant de ce précieux instant de repos et de la journée ensoleillée, mais la plupart des soldats et des paysans sont bien trop inquiets ou nerveux pour songer à récupérer leurs forces avant le combat. Le baron lui-même est descendu au pont pour discuter avec son fils, échanger quelques dernières paroles avant la confrontation avec les légions. A quelques pas des deux hommes, Les soldats s'émerveillent encore de leur statures, de leur visages si semblables séparés par le gouffre des années, de voir combien leur seigneur et son héritier sont proches l'un de l'autre. Puis le vieil homme prend brièvement son fils dans ses bras, le quitte enfin pour s'en retourner sur la colline.
Alors que l'après-midi s'avance, les premières unités des légions font leur apparition à l'horizon. Des squelettes, des zombies aux états de décomposition variés s'avancent sur la route d'une lente cadence sans rythme, trainante, inéluctable. Leurs odeurs nauséabondes, transportées par le faible vent, sont encore accentuées par la chaleur singulière du jour. Sur la colline et dans les bois, les vivants s'agitent, se préparent face à la marée de chair putrescente qui montent vers eux.
Le temps du combat est venu.
Lorsque sans presser le pas les mort vivants partent à l'assaut de la barricade sur le pont de pierre, le prêtre-guerrier Heyralben dresse son marteau vers le ciel. En réponse, les cris provenant de centaines de gorges jaillissent comme une vague venue se briser sur la muraille d'os et d'acier, et une multitude de flèches partent vers le ciel pour ensuite redescendre en pluie sur les corps putréfiés.
Un instant le fétide béhémoth, fabriqué de centaines de charognes, semble chanceler, son élan brisé par les projectiles. Les premiers cadavres s'écroulent avant de gravir les chariots mis en travers de la route, et les créatures qui parviennent à la barrière tombent sous les coups puissants des défenseurs. Puis le rêve semble s'évanouir, le pont se recouvre à nouveau d'une masse grouillante, et les carcasses animées prennent un appui précaire sur les membres de leurs camarades tombés devant eux pour escalader l'obstacle. En haut du rempart de fortune, Heyralben, protégé par la blanche aura du Manteau d'Artherk, manie à deux mains son marteau de guerre. Les morts vivants semblent se dissoudre dans la lumière du prêtre, dont les gestes sont semblables à ceux d'un rituel dont la beauté transcende son objet, la destruction de ses ennemis.
Pourtant, imperturbables, aux morts succèdent d'autres morts, et sans cesse ils se hissent plus haut, pour finir fracassés, démembrés par la rage des soldats de Lutri. Un zombi, plus grand que les autres, est parvenu devant le fils du baron. Il porte les restes d'une armure d'écailles et comme son adversaire, manie une arme à deux mains, une doloire couverte indistinctement de rouille et de sang séché. Bien qu'extrêmement lente, la lourde hache transperce les pièces de plate comme les crocs des loups déchirent le cuir. Alors que le prêtre tente d'esquiver l'attaque, deux mains squelettiques s'agrippent à sa jambe droite, se désintègrant en cliquetis dans l'aura divine. Mais le mal est fait, le guerrier est déséquilibré, son mouvement de recul a été interrompu. Tandis que son marteau brise le crane du zombi, la grande hache le fend du haut de son flanc jusqu'à la hanche, sectionnant avec indifférence acier, muscles et os. Encore auréolé de la lumière d'Artherk, le prêtre-guerrier s'affaisse alors, pour disparaitre dans la multitude des corps en décomposition.
Eloigné sur l'escarpement, le baron a observé le déroulement du combat. Il a entendu les cris des blessés et les gémissements des morts-vivants. Il a étudié l'avancée des troupes adverses, a constaté avec satisfaction qu'elles étaient incapables d'organiser leur offensive, et il s'est préparé à mettre son plan à exécution.
Quand soudainement son horizon s'est rétréci.
Au moment où son fils est tombé, le temps pour Heyron de Lutri s'est arrêté. Ses yeux se sont désintéressés du reflux de ses hommes de la barricade, ont ignoré la retraite dans le désordre de es chevaliers, pour se porter là où s'est tenu Heyralben.
Son regard scrute la structure de pierre, pour déceler un détail, un signe quelconque, pour se donner l'espoir que son fils ne s'est pas noyé dans cette mer immonde de cadavres, pendant que le recul se transforme en débandade, et que le pont déverse en un torrent glacé les créatures maudites.
Bientôt, la forêt résonne du fracas des armes. les Flèches d'If ont abandonné leur arcs pour combattre au corps à corps. Ils se demandent tous si la cavalerie interviendra à temps.
Le hérault du baron, son cor à la main, se tourne vers son seigneur, mais ce dernier reste immobile sur son destrier.
Sur la colline les hallebardiers et les paysans repoussent avec difficulté le déferlement des créatures, qui s'accrochent au terrain, s'aggripent aux rochers pour progresser. Le sergent Llewelyn, survivant de nombreuses campagnes, s'est retiré de la mêlée pour venir s'affaler à quelques mètre du baron. Avant de mourir, il lève les yeux vers son seigneur, pour se rendre compte que le guerrier n'est déjà plus parmi eux. Ce n'est qu'un vieillard pétrifié par les événements qu'il voit, un hommme usé par les peines et les soucis, qui a perdu tout espoir. Sa vision se trouble, ses paupières se ferment. Alors, rendant son dernier souffle, le vétéran sent une larme lui couler sur la joue.
Les mercenaires n'ont pas eu le temps de fuir. Malgré la lenteur des morts-vivants, la soudaineté avec laquelle la résistance au pont a été brisée a laissé les brigands stupéfaits. Quelques hommes à l'arrière ont dévalé la colline en direction des plaines à l'ouest, mais beaucoup ont compris qu'ils ne pourraient s'échapper que si les légions étaient suffisamment désorganisées pour prévenir toute poursuite. Avec une âpre résignation, ils se jettent dans le combat aux cotés des soldats et des paysans.
La confusion s'est emparée de l'armée des vivants. Hésitant, le hérault a été mis à bas de son cheval et piétiné à mort par un groupe de squelettes répugnants. A ses cotés le cor repose, silencieux.
Mennar Un-Oeil, en gredin aguerri, sent souffler un vent de panique. Il devine que quelque chose ne va pas quand il voit le baron sans réaction et les macchabées massacrer son porte-étendard. Une longue dague dans chaque main, le capitaine des mercenaires se fraye un passage au travers des corps en décomposition, brisant avec son coude une colonne vertébrale jaunie par le temps, fauchant d'un coup de pied un squelette trop lent, bondissant par dessus un soldat cramponné à un zombi dans une étreinte mortelle. Il parvient à coté du cadavre du hérault et ramasse le cor. Portant ensuite l'instrument à ses lèvres, il y souffle de toutes ses forces.
Par Lord Gabriel le 11/10/2001 Ã 14:49:00 (#349103)
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