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Immortel
Par MortifeR le 8/12/2002 à 0:06:02 (#2734289)
Un mugissement incongru vint troubler le silence des halls désertés. La vieille porte pivota sur ses gonds en gémissant, comme elle lavait fait la nuit derrière.
Lalbinos la poussa lentement, pour dégager le gouffre ténébreux dun escalier sans fin, se perdant dans un abîme de nuit froide. Ce soir il hésita presque à trahir sa présence aux sens surnaturels des spectres, tant il répugnait à partager cet instant magique.
Au cur du palais était un dédale dont il navait exploré quune infime partie. Mais alors quil sy perdait sans raison la nuit passée, accaparé par des réponses dont il avait oublié les questions, il avait remarqué cette porte.
Monumentale et chargée de gravures baroques jusquà lexcès, elle siégeait là où il ne semblait ny avoir quun vide sombre, quelques instants auparavant. Alors quil pensait avoir pillé tous les trésors de cette vieille tombe, il pénétra dans cette salle titanesque, aux allures de cathédrale. Lorsquil posa son pied sur le marbre irréprochable, les vents magiques illuminèrent dune bourrasque magistrale la voûte ornée de fresques légendaires. Puis la lumière glissa paresseusement sur les courbes ouvragées pour baigner lensemble de la pièce dune lueur diffuse.
Au centre était un miroir.
Il était superbe et gigantesque, à léchelle de cet endroit aux ambitions excessives. Il semblait un ornement déplacé, dans ce palais à laustérité délabrée. Pourtant, les vents magiques murmuraient quil était là à dessein. Et à partir de cette nuit, il y avait toujours été.
Lalbinos sen approcha avec prudence, sans lever sa main de la garde prolongée par lacier carnivore de la dévoreuse despoir.
-Te voilà enfin, jai cru que tu ne me trouverais jamais.
Mortifer eut un mouvement de recul, portant instinctivement sa main à ses lèvres : Il ignorait qui, de lui ou de son reflet, avait prononcé ces mots. Il se raidit à nouveau, paralysé par la surprise, en constatant que lhomme dans le miroir navait rien à voir avec lui. Son inverse à bien des égards, même. Et pourtant, il ne faisait aucun doute, cest lui qui avait prononcé cette phrase Le son de sa voix ne le trahissait pas.
Sans trop savoir pourquoi, il sourit au miroir, et le reflet limita. Ou bien peut-être était-ce plutôt lopposé.
-Mortifer Ssahors, seigneur des spectres, conquérant de la mangeuse despoir, fils de la tourmente et maître de la puissance versatile. Je suis heureux de te revoir.
-Me revoir ? Qui es-tu, et quel est cet autre maléfice ?
-Nous ne sommes jamais vraiment quittés, après tout. Il est vrai. Quant à moi, disons seulement que je suis un démiurge amateur, égaré dans ce songe.
-Cet endroit na rien dun songe, étranger. Tu es ici dans le palais
-des murmures.
Mortifer sétait interrompu. Quelle étrange impression que dêtre pris de vitesse par son propre esprit, comme si lon en maîtrisait pas une partie !
La longue lame noire chanta un air lugubre lorsquil la glissa hors de son fourreau. Il sapprocha du miroir, visiblement décontenancé, et contrarié.
-Quel manque de finesse, est-ce de moi que tu tiens cette tendance à détruire ce que tu ne comprends pas ?
-Ce qui me résiste
-Ah, cest mieux ! Cest pour ça que jexiste, dailleurs. Soumettre linéluctable est ton fardeau et ta gloire, ton immortalité et ta gangrène.
-Regarde autour de toi, petit démiurge. Le rêve se meurt, les vents magiques emportent déjà nos vies dans loubli. Tu ferais mieux de revenir doù tu viens, et doublier nos terres moribondes.
-Jamais de la vie, Seigneur Ssahors. Je suis venu avec un dessein. Et je ne peux te laisser mourir avec le songe. Tu es, en quelque sorte, mon portrait de Dorian Gray.
-Dorian ?
-Gray. Mais peu importe. Le temps ne viendra jamais pour toi, lalbinos, car je tai crée pour ne jamais mourir. La mort est pour ceux qui renoncent, et je sais que te ne vas pas renoncer, parce que je vais vivre à jamais.
-Je tu Vas tu finalement me dire qui tu es ?
-Je ne te ferai pas cette insulte. Il serait plus intéressant de te demander ce que tu es.
-Soit, ainsi je me le demande : Que suis-je ?
-Tu es un monument à la volonté et à lomnipotence, une idole de rage et de haine, un monstre de fureur et de courage. Si je tai exilé ici, cest parce que tu étais trop confus pour exister ailleurs. Mais désormais il est temps pour toi de rentrer. Dautres songes tattendent, et tu as besoin de moi, autant que moi de toi. Il y a tant dautres rêves qui mourront, sans toi, et tant de combats qui seront perdus, ou même jamais livrés
Lalbinos se détendit un instant, fronçant les sourcils face à son reflet. Il lexamina calmement, analysant chaque trait à la recherche dune ressemblance, un air de famille peut-être. Il ny avait rien. Cet homme était dapparence aussi différente de lui que la neige peut lêtre du charbon. Pourtant, il ny avait personne dautre ici. Et ce reflet était bien le sien, il le savait confusément.
Il tendit la main à la rencontre de celle qui séchappa du miroir, pour la saisir. Elle avait troublé la surface de verre réfléchissant puis sen était extirpée, par une magie étrange et inconnue.
-Prends ma main Dit-il avec un sourire qui avait retrouvé la splendeur de son habituelle assurance. Car il est temps dêtre immortel.
Par Conrad McLeod le 8/12/2002 à 0:09:45 (#2734308)
Toujours aussi agréable à lire.
Par Ligeia Zenox le 8/12/2002 à 10:20:31 (#2735685)
Excellent texte :merci:
Par Leylia le 8/12/2002 à 11:53:01 (#2736025)
(Superbe texte MortifeR :), un régal comme toujours :merci: )
Par Nekros le 8/12/2002 à 12:58:26 (#2736411)
D'abord la joie de se dire que plus rien n'y personne ne pourra jamais rien contre vous...
Ensuite les regrets de se dire que l'on verra mourir tout les gens qui nous entoure, que l'on aime et qui nous aime, ce sentiment est insupportable et l'on en vient a regretter amèrement d'être immortel...
Oh, comme je regrette... et te plaint...
Par Caith/Biquette Armée le 8/12/2002 à 15:50:26 (#2737602)
Ils l'ont trouvé, demeurant âmes en peine ci et là, à se demander quand viendra leur salut.
Mais certains êtres l'ayant recue en cadeau, certe cadeau troyen, cherchent à s'en débarrasser. Une ère se meurt, et ceux qu'ils ont cotoyé parmi eux. Comme il serait doux d'enfin se laisser couler dans la mort avec eux...
La fin, ne viendra-t-elle donc jamais ?
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