Les leçons de la crypte

Par Nuit d'onyx le 26/11/2002 à 6:17:31 (#2645098)

Il y a des nuits où l'on n'est à sa place nulle part.
Ni dans la solitude du foyer, ni parmi la foule de la grand place, ni à l'auberge, ni même en Son cercle de pierre.

Une nuit idéale pour accomplir un projet, dormir avec les morts. (la mort est toujours accueillante)

Débarrassée de quelques squelettes errants, la crypte retombe dans son calme morbide. La salle où elle s'est établie est reculée, loin de l'entrée, et elle sait qu'elle n'y sera dérangée que par ses propres spectres, démons du souvenirs et autres hantises irrationnelles (leur prouver qu'elles ne sont rien.). Une simple bougie à la flamme fébrile trahit à peine l'architecture de la pièce, faisant danser les ombres sur les murs lézardés. Au fond de la salle, on distingue un vieux puit, son parapet poussiéreux, où des myriades d'araignées ont encré leurs voiles défraîchis, fins lambeaux s'étirant jusqu'au sol. Elle repousse du pied une plaque métallique affûtée comme une lame, dont le métal souillé de sang séché crisse sur les gravas.

Puis la jeune fille s'enroule dans sa couverture, allongée sur le sol poussiéreux entre quelques ossements. Elle ferme les yeux. On peut entendre un rat fouiner dans un recoin, le son discret d'une goutte d'eau qui tombe au fond du puit (le bruit d'une goutte de sang). On pourrait presque entendre un insecte marcher. Au loin, les pas traînants d'un squelette qui lui non plus ne trouve pas le repos. Une odeur de sang caillé flotte encore dans l'air - elle ne l'avait pas remarqué tout à l'heure, peut-être est-ce son visage maintenant au raz du sol, peut-être est-ce son esprit qui s'aiguise, peut-être est-ce son imagination. Elle resserre un peu la couverture, comme pour échapper au souffle glacé d'un courant d'air, mais il n'y a pas de brise en ce lieu, l'air est stagnant, comme lui aussi figé dans l'oubli.

Elle repense à leurs paroles ("le sommeil c'est un peu comme la mort"), à la discussion qu'ils avaient eu à ce sujet ("c'est calme, une crypte."). Elle cherche le sommeil.
Il ne vient que par bribes cruelles, images ensanglantées mêlées de sueurs froides, interrompues de réveils en sursaut.
Les rêves sont fait de Sang, d'un Seigneur des Ténèbres qui s'en abreuve, de sa voix hypnotique entre ses lèvres souillées du fluide vermeille, de l'appel impérieux de la Soif, un flot de Sang, un visage aux larmes écarlates, effusion à gros bouillon, la flèche et sa blessure à son bras qui vomit la vie, boire le Sang de sa mère encore, tout n'est plus que Sang, une lame qui s'abat du plafond dans un sinistre grincement, éclaboussure, non, déferlement, noyade, le Sang, le Sang, le Sang, le Sang...


On peut ignorer ses peurs, ses angoisses, ses sentiments. On peut les renier, les enfouir, les oublier un instant. On peut refuser de les laisser diriger notre vie. Mais toujours ils se vengent, immatériels et indestructibles. Il semble que plus on leur résiste et plus on les défie par nos actes, par nos choix, plus ils nous torturent de supplices invisibles, et plus ils viennent nous hanter de leur intensité insaisissable. Tel est peut-être le prix de la liberté.
Ce sera en tout cas l'amère conclusion qu'en tirera la jeune fille...

Par Ombre Nuit le 2/12/2002 à 3:42:39 (#2690469)

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