Grisaille.

Par Ombre Nuit le 19/11/2002 à 13:08:31 (#2593515)

L’aube s’étendait déjà sur l’île et repoussait les nappes d’ombres de ses rayons acérés. L’homme se réveilla seul. Tout autour de lui, malgré la rosée, de lourds filets de brume traînaient encore sur les fougères jaunies. Lorsqu’il se redressa pour s’asseoir, son premier réflexe fut de chercher des yeux quelque chose –ou quelqu’un– près de lui. Mais il avait déjà la certitude qu’il se réveillait seul. La nuit avait été courte, comme toujours, mais avec les quelques heures grappillées sur la matinée, il sentait qu’il avait récupéré un peu de sa fatigue insomniaque. Avec l’indolence de celui qui sort à peine du sommeil, il frotta un peu de terre accrochée à son chandail de laine serrée. Sa tenue sombre, jusqu’aux bottes de cuir noir qu’il avait retirées pour la nuit, lui donnait des airs endeuillés, et cela ne jurait pas forcément avec son humeur, ce matin.

Il resta pensivement à observer la silhouette que le corps avait dessiné dans l’herbe couchée, près du sien, puis décida de rentrer vers la ville, sans un regard pour le lac. Il avait prévu d’occuper la matinée à ses cours de thaumaturgie élémentaire, et à vrai dire cela serait idéal pour lui accaparer l’esprit. Le cours était aussi complexe que lui était distrait, et les essais de mise en pratique produisirent beaucoup de choses parmi lesquelles très peu étaient contrôlées, ou même seulement voulues. Par deux fois, il confondit les conjurations aqua et pyro, et le vieux mage qui lui servait d’enseignant faillit mettre un terme définitif à son instruction. De toute manière, à ce rythme, l’âge l’aurait rattrapé avant qu’il n’ait vraiment transmis quoi que ce soit de tangible à son élève.

Au midi, il grilla son premier poisson, qu’il avait su pêcher la veille dans les rivières sud de la Baronnie. Sept flèches pour un poisson, c’était décidément six de trop. Il aurait besoin de s’entraîner, encore et encore, aux techniques que lui avait montrées son ami. La cuisson dégagea un fumet autrement plus appétissant que le goût de la chair elle-même. C’était fade, un peu trop fumé et surtout désagréablement gluant. Il eut l’impression de passer plus de temps à extraire des arêtes qu’à véritablement manger, et il comprit aisément pourquoi il n’avait jamais pêché par le passé. Mais un mauvais poisson mal cuisiné ne pouvait avoir bon goût, et le plus important restait qu’il soit nourrissant.

Le Régent ne put le recevoir l’après-midi. Une fois de plus, d’ailleurs. La conseillère Mémoire était elle aussi indisponible, alors il prit le chemin de la taverne, peut-être avec l’espoir d’y croiser un visage familier, peut-être pour glaner quelques nouvelles, peut-être parce qu’il ne se sentait aucune motivation pour travailler chez lui. Il ne faisait pas partie des habitués qui écoulaient régulièrement leur temps libre autour d’une chope ou d’un pichet de vin. Il n’en avait de toute façon pas les moyens. Non, avec modération la taverne était un agréable lieu de rencontres et de vie urbaine, ce qui n’était jamais superflu dans les périodes où la solitude se fait accablante.

Halam l’accueillit avec son sourire égal, sans doute un peu plus chaleureux qu’à l’ordinaire. C’est en tout cas l’impression qui lui resta après coup. Il n’y alla pas par quatre chemins –il n’y allait jamais par quatre chemins– et lui fit part d’une nouvelle qui les concernait tous les deux. La conseillère Alanis Lyn était venue dans la matinée annoncer la décision du Régent : l’accepter, lui, pour une période d’essai comme serveur à l’auberge. Cela éclairait un peu une journée qui paraissait plutôt grise. Il avait placé quelques espoirs dans ce travail, il lui permettrait de rester à Lighthaven avec quelques légers revenus. Et puis, décidément, il aimait cette taverne.

Il se sentit peu présentable, avec ses cheveux en broussaille et sa barbe naissante. Ses préoccupations et sa vie à l’écart de la ville l’avaient rendu un peu négligeant, en tout cas ces derniers jours. Après une discussion fort brève, il quitta Halam pour rejoindre un coin de rivière auquel il s’était habitué et se mettre en état pour sa première soirée. Pour ne pas changer, il était impatient que le jour s’achève.


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Par Lilly Rayloth le 19/11/2002 à 13:45:00 (#2593779)

Une odeur désagréable de poisson grillé agressa ses sens alors qu'elle se promenait comme à son habitude, la tête ailleurs ...

Elle observa un instant ce pauvre homme essayant d'ingurgiter ce pauvre poisson massacré et s'en approcha lui proposant quelques beignets à la fraise qu'elle sait si bien faire, un léger sourire aux lèvres ...

Par Ombre Nuit le 19/11/2002 à 16:12:38 (#2594812)

Il aurait à se trouver une autre tenue, ce soir. Le pourpoint de cuir devrait convenir, sans doute. Oui, ce serait tout de même mieux. Et moins désagréable si un client lui renversait sa boisson dessus. Décidément, c’était adopté, il ne garderait pas ce vêtement pour le service. Quelque part, dans un coin de son esprit, il s’amusait de constater à quel point il était capable de se jouer à la comédie, à lui-même. Il s’occupait l’esprit de préoccupations accessoires, si et tant qu’il parvenait presque à mettre de côté ses questions récurrentes. Pour l’heure, l’ultime préoccupation était le repas du soir, et puisqu’il n’avait pas pris le temps de chasser, il allait bien falloir en revenir au poisson grillé.

Le repas était déjà bien entamé, assez en tout cas pour qu’il puisse dire avec certitude qu’il était plus infect encore que le précédent, alors qu’une femme s’approcha, comme pour l’aborder. Il l’avait vue arriver, aisément, tout comme il l’avait vue l’observer depuis quelque distance, et s’était contenté de la suivre des yeux. Après un salut compendieux, elle lui proposa quelques beignets à la fraise, qui pourraient bien constituer un dessert appréciable.

– Je vous aurais volontiers invité à partager ma pitance, dans d’autres circonstances... commença-t-il, avec l’air navré de celui qui cherche un pardon. Mais j’avoue que ce soir, ce serait criminel d’infliger un tel repas à quelqu’un d’innocent. (Il sourit légèrement, avant de poursuivre.) C’est que je m’essaie au poisson, je n’ai jamais été habitué qu’au gibier courant. Alors le résultat est loin d’être concluant, même pour une première fois... Autant plus qu’il ne faut pas se fier à l’odeur, hélas. Je veux bien goûter ces beignets –ils ont l’air délicieux– mais j’ose quand même poser la condition que vous les partagiez avec moi, si ma table vous convient. (D’une main, il désigne le frustre feu qu’il a établi entre quelques pierres.)

Par Lilly Rayloth le 19/11/2002 à 18:20:19 (#2595854)

*s'assied face à lui, acceptant d'un léger sourire sa proposition, sa voix était douce et calme ...*

Oh allez-y mangez ces quelques beignets, je n'ai pas très faim ...

*elle l'observa un instant puis s'adressa à lui, curieuse*

Cet endroit n'est pas très recommandable pour certaines personnes, vous n'avez pas peur ici tout seul ..?

Et puis, un bon repas chaud ne coûte pas tant à l'auberge de la ville ...

*son regard gris de bleu s'attardait sur les flammes, pour reporter son attention sur l'homme*

Par Ombre Nuit le 19/11/2002 à 19:19:52 (#2596400)

Aimable, sans que son sourire discret quitte ses lèvres, il répond.

– Peur ? Mais peur de quoi, en fait ? Ici, on ne risque pas grand chose. La ville n’est pas si loin, et il n’y a que les gobelins pour s’aventurer par là. (Il jette un coup d’œil aux alentours, comme s’il s’attendait à en voir justement un.) De temps à autres, une jeune femme vient pour proposer des beignets à la fraise, mais ils sont rarement empoisonnés. (Un léger amusement est lisible dans son regard, mais il poursuit sans s’interrompre.) Je vis ici par choix, ou disons pas plus par obligation que par choix. Les repas à l’auberge, j’en ai pris plus souvent qu’à mon tour, et j’ai certes dégusté des mets plus fins que la truite brûlée. Peut-être qu’il faut considérer que se préparer soi-même sa collation a quelque chose de plaisant, une fois qu’on sait y faire. Voyez par exemple, vos beignets (ce disant, il savoure déjà l’un d’eux, gracieusement offert), je suis certain que vous les trouvez meilleurs que ceux que pourraient vous préparer les cuisines de l’auberge.

Il marque une pause, pour ne plus entrecouper sa phrase de silences alors qu’il termine le beignet.

– A propos, je m’appelle Gadjio. Je ne crois pas être ermite, ni même spécialement proche de la nature, quoi qu’en disent les abords. J’aime bien l’endroit et je profite de la clémence de la saison pour apprécier un peu la campagne et la beauté de la nuit. Mais et vous ? Qu’est-ce qui vous amenait dans cet endroit que vous sembliez considérer comme dangereux ? Mis à part un peu de compassion pour ma sinistre pitance. (A nouveau, il sourit.)

Par Alanis Lyn le 20/11/2002 à 3:17:38 (#2599114)

*a pu gouter avec plaisir les laits fraise du nouveau serveur de l'auberge*

Par Lilly Rayloth le 20/11/2002 à 9:20:29 (#2599709)

*sa voix se fît plus douce encore*

J'aime profiter de la nuit et de l'absence de trop d'aventuriers parcourant les routes... humm mon nom est Lilly et je ne crois pas être inquiétée par les ombres que font naître la nuit ... *léger sourire amusé*

*son regard plongea à nouveau dans la contemplation des flammes et son esprit se perdit à nouveau dans un monde de songes et de reflexions étranges*

Par Ombre Nuit le 20/11/2002 à 16:08:40 (#2603130)

– Les ombres... (Il secoue la tête, comme pour ne plus y penser.) Elles sont la présence de la nuit au coeur même du jour, tapies derrière chaque objet, s'abritant du soleil et de toute lumière pour retirer au monde ses chatoyantes couleurs... (Il semble s'interrompre, prendre conscience de la rupture de ton de ses paroles, et se ressaisir.) Mais vous avez raison, la nuit est aux portes du ciel et je ne suis pas encore tout à fait prêt. C'est que, l'on m'attend, ce soir. (Il marque une pause, et conclut.) Je dois effectuer le service à l'auberge, et pour ma première soirée je m'en voudrais de ne pas être à l'heure. Cela aura été un plaisir de partager ce dessert et votre compagnie ce soir.

Après quelques derniers échanges sommaires, il remet en ordre ce qui lui a servi de cuisine le temps d'un repas, et prend congé, souriant, pour gagner Lighthaven à grands pas.

Par Lilly Rayloth le 20/11/2002 à 17:20:24 (#2603851)

*elle referma d'un geste frileux le sceau étrange, argenté qui ornait le haut de sa cape et se releva d'un mouvement félin*

Je vous souhaite le bonsoir en ce cas *elle regarda le ciel puis s'enfonça dans la forêt d'un pas assuré sans regarder derrière elle, rabattant la capuche de sa cape, cachant dans une ombre son visage teinté d'un voile clair de lune*